LIBAN 1982
Critique du film
La guerre est souvent dépeinte au cinéma à travers le point de vue de ceux qui sont tombés en première ligne. Pour son premier long-métrage, Liban 1982, le réalisateur Oualid Mouaness emprunte un chemin différent et capture le sentiment d’incertitude et de peur que la guerre apporte dans la vie des élèves et des enseignants d’une école privée de Beyrouth.
Situé en 1982, alors que l’invasion israélienne du Liban est imminente, Liban 1982 se recentre autour de Wissam (Mohamad Dalli), jeune garçon de CM2 de 11 ans qui ne parvient pas à trouver le courage de confier ses sentiments à sa camarade de classe, Joanna (Gia Madi). Alors que ce béguin consume l’esprit de Wissam qui doit pouvoir réussir ses épreuves en cette journée d’examens, ses enseignants, Yasmine (Nadine Labaki, à qui l’on doit Caramel et Capharnaüm) et Joseph (Rodrigue Sleiman), ont d’autres préoccupations à gérer, sentant la menace qui grandit à l’extérieur. Tandis que le ciel n’a de cesse de rugir sous le passage des mirages de guerre et que les bruits sourds de bombardements semblent se faire de plus en plus proches, les deux professeurs ont du mal à s’accorder.
La grande intelligence du film de Mouaness est de faire de Wissam (et de sa quête amoureuse) l’élément central du film, lui permettant de capturer la lente érosion de l’innocence. Le jeune garçon tente de vaincre sa timidité et ses craintes – dans un Liban où les amours de jeunesse sont mal perçus – dans une séquence d’Histoire où le destin de son pays bascule, le conduisant bientôt à devoir quitter l’école primaire de façon précoce. En parallèle de ce jeune amour, Yasmine et Joseph voient leur lien contrarié par ce déchirement interne affectant le Liban. Ce que vit Yasmine résume celui-ci chez les adultes. Tentant de garder la face devant ses élèves, afin de ne pas les inquiéter, son visage peine à ne pas trahir l’angoisse qui l’envahit. De son côté, son collègue (et compagnon) Joseph se montre plus pessimiste et pragmatique, bien conscient du danger imminent.
Parfaits dans leurs rôles respectifs, les jeunes comédiens comme les plus expérimentés créent une empathie mesurée et complexe, dans une situation qui l’est particulièrement, et permettent aux relations de leurs personnages de dominer naturellement le film. Avec Liban 1982, Oualid Mouaness signe une première oeuvre élégante, personnelle et touchante, où les petites histoires se tissent dans la grande histoire contemporaine. Une évocation des premiers émois de l’enfance et du désordre amoureux adulte doublée d’une peinture réussie de la jeunesse et de l’incertitude en temps de guerre.
Bande-annonce
24 novembre 2021 – De Oualid Mouaness, avec Nadine Labaki, Mohamad Dalli, Rodrigue Sleiman
