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LES PROMESSES D’HASAN

Lorsque Hasan apprend qu’un pylône électrique va être installé sur les terres qu’il cultive, il manœuvre afin que son champ soit épargné. Mais avant de partir en pèlerinage à la Mecque, il promet à sa femme de réparer ses erreurs passées.

Critique du film

Si l’un des plus beaux films turcs mettait en scène un poirier sauvage (Nuri Bilge Ceylan en 2018), c’est un autre arbre qui occupe le centre de l’affiche du nouveau long-métrage de Semih Kaplanoglu, cinéaste chevronné de 59 ans. Présenté en 2021 dans la section Un certain regard de la sélection officielle du Festival de Cannes, Les promesses d’Hasan étend ses branches avec volupté et prend le temps de bien poser son intrigue. C’est un récit ample et complexe qui prend plaisir à muter au fur et à mesure que se développe son propos, bien plus fin qu’il n’y paraît au premier abord. Hasan est un petit propriétaire terrien, et ce sont ses difficultés qui occupent le centre du plan dans la première partie. Un pylône électrique doit être construit en lieu et place de son champ de tomates, ruinant des années d’efforts pour diversifier sa production et devenir rentable.

Une heure durant le regard est porté sur cet homme vieillissant et son combat pour garder son bien, grâce à des intrigues et un clientélisme qui, déjà, questionne. Les failles sont déjà présentes dans la personnalité d’Hasan, et elles ne cesseront dès lors de se creuser, portant en creux une critique de l’individualisme qui gangrène les communautés paysannes de la Turquie. Ce combattant du quotidien se mue en opportuniste qui profite du malheur de ses pairs, rachetant des terrains à bas prix par le biais d’intrigues de bas étage et d’une morale à géométrie variable. C’est tout l’ordonnancement de la vie de cet homme, et par la même ses choix, qui est remis en question.

Les promesses d'Hasan
S’il est agriculteur précaire, Hasan est aussi un chef d’entreprise qui a des employés, et notamment dans sa maison, où règne sa femme Emine qui revendique à chacune de ses scènes une idée du statut social qui est le sien. Le mépris de classe est très présent autour de ce personnage, que ce soit dans ses rapports avec ses employés, mais aussi avec les autres membres de sa communauté qu’elle rabaisse par principe pour s’affirmer toujours un peu plus et refuser un éventuel déclassement. C’est pourquoi chaque détail compte, de la commande à une couturière qu’on retourne pour montrer qui a le contrôle, jusqu’au pèlerinage à la Mecque, symbole et accomplissement d’une vie pour un ou une musulmane pratiquante. Si Hasan est le pater familias au sens classique du terme, c’est bien Emine qui domine et rayonne, impulsant chaque décision.

Le deuxième temps du film ne fait que renforcer les détails décrits, soulignant le trait déjà esquissé d’une famille qui s’appuie sur la misère des autres pour se hisser au-dessus de la ligne de flottaison de la pauvreté. Le petit producteur de fruits et légumes intègre fait son examen de conscience, critère fondamental avant d’effectuer le pèlerinage, et ce qu’il en ressort écorne profondément tout ce que l’on croyait savoir du personnage. En cela, l’arbre qui rayonne au milieu de l’affiche des Promesses d’Hasan est un symbole d’une famille qui a perdu ses racines, tout comme le poirier de Ceylan était l’obsession du père de famille, ciment inconscient qui ramifie les relations entre chacun. Ce très beau film qui trouve enfin une sortie dans les salles françaises, est un visage de plus de la paysannerie contemporaine, fin et profond, où rayonne l’actrice Filiz Bozok et un Hasan joué par Umut Karadag, particulièrement juste et touchant.

Bande-annonce

3 août 2022 – De Semih Kapanoglu, avec Umut Karadag, Filiz Bozok et Gökhan Azlag.




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