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LES NUITS DE MASHHAD

Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées.

Critique du film

Après Border en 2019 et Shelley en 2020, c’est avec un troisième long-métrage en compétition officielle à Cannes que revient le réalisateur iranien Ali Abbasi. À la lecture du synopsis, on se croirait plongé dans une histoire à chemin entre M le maudit de Fritz Lang et Zodiac de David Fincher. Le théâtre de l’action se situe – comme le dit le titre français – dans la ville de Mashhad, l’une des villes les plus saintes de l’Islam chiite. C’est donc dans un lieu habité par un rôle religieux très particulier que commence le film, chaque habitant étant conscient du statut à part de sa cité et de son rôle dans l’histoire du pays.

Toute la première partie s’intéresse à deux personnages, l’une est journaliste, l’autre un père de famille de trois enfants qui a connu le front de la guerre Iran/Irak. Ce détail a son importance pour comprendre ses intentions meurtrières, qui se déclenche un beau jour, telle une épiphanie mystique, celle de « nettoyer » la ville de ses péchés. Là où l’intrigue se corse, c’est que sa quête se concentre sur les prostituées travaillant autour d’un mausolée, lieu de rencontre privilégié pour clients et travailleuses du sexe. On suit Saeed dans ses courses à moto, jusqu’à ce qu’il repère une proie qu’il va pouvoir emmener avec lui, promettant argent et drogue pour dissiper les derniers soupçons.

À l’instar de La loi de Téhéran de Saeed Roustaee, on découvre que Moshhad est gangrénée par la pauvreté et la drogue, affichant l’existence d’un sous-prolétariat qui inquiète autant les autorités publiques que les habitants. Cette histoire de meurtres à répétition sous fond de syndrome post-traumatique et de folie religieuse est dès lors un facteur aggravant pour cette population déjà fragile. L’addiction est dans toutes les générations, la prostitution en est un corolaire économique pour des femmes laissées à l’abandon. À partir de ce constat intervient la deuxième partie du film, avec un Saeed piégé par Rahimi, joué par une très convaincante Zar Amir Ebrahimi.

À l’enquête et aux meurtres succède une histoire de procès, où on assiste médusé à la justification des meurtres par appel divin. Ali Abbasi dessine un moment où les cartes se brouillent, on croit à la possible recevabilité de l’argument du crime légitime. La population de Mashhad prend fait et cause pour Saeed qui s’imagine qu’il est désormais intouchable. La mise en scène laisse à penser que la ville est devenue une zone indépendante, loin de Téhéran, laissant possible un horrible scénario où le meurtrier s’en tirerait à bon compte. Tout le dernier tiers du film ressemble à un jeu de poker menteur où l’issue est bien incertaine.

En fin de compte Les nuits de Mashhad n’est pas autre chose qu’un thriller autour d’un meurtrier, peinant à valoriser et mettre en avant tout l’aspect social et critique sur la condition de ces femmes en Iran. Le manque de profondeur du film et l’absence de dépassement de fonction de sa condition de film de genre, le rétrécisse considérablement et le rende presque anecdotique, très loin de la beauté d’un film comme Hit the road de Panah Panahi, beaucoup plus ambitieux formellement et dans le discours et porteur de promesses pour l’avenir, au contraire de la filmographie actuelle d’Ali Abbasi.

13 juillet 2022De Ali Abbasi, avec Mehdi Bajestani, Zar Amir Ebrahimi et Nima Akbarpour.


Cannes 2022 – Prix d’interprétation féminine




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