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LES JEUNES AMANTS

Shauna, 70 ans, libre et indépendante, a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.

Critique du film

Pierre et Shauna se rencontrent dans un hôpital. Il est médecin de garde, elle est au chevet d’une amie mourante. La rencontre pourrait être aussi éphémère qu’anecdotique pour le jeune praticien alors en plein exercice de ses fonctions. Pourtant, un moment suspendu se dessine à la faveur d’un bref échange chargé d’empathie et de réconfort. Comme une rêverie de passage, Shauna disparait quelques instants plus tard, ramenant brutalement Pierre à la réalité. Le hasard de l’existence réunit ces deux personnages 15 ans plus tard. Il a 45 ans, lyonnais, marié et père de deux enfants. Elle entre dans sa 71ème année, indépendante et épanouie dans une vie parisienne bien rangée. Quelques regards gênés trahissent rapidement le trouble ressenti par ces deux êtres que la vie semble opposer. Les prémisses d’une attirance irrépressible sont pourtant bien là.

C’est l’histoire d’un amour…

C’est avec une infinie délicatesse que Carine Tardieu s’empare d’un scénario initialement écrit par la cinéaste Solveig Anspach. Une histoire à laquelle cette dernière tenait particulièrement, puisqu’inspirée de l’idylle vécue par sa propre mère avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle. La réalisatrice est malheureusement décédée avant de voir le résultat porté sur grand écran. Et on ne peut que regretter ce triste coup du sort, tant Tardieu apporte à cette romance un regard d’une grande douceur, animé d’un véritable amour pour ses personnages.

Si le récit demeure totalement ancré dans le réel (l’action se déroule après le premier confinement lié au COVID), la réalisatrice embrasse malgré tout toute la dimension romanesque que lui inspire cette histoire d’amour contrariée. À la manière des grandes tragédies du genre, la naissance des sentiments est donc filmée comme celle d’une passion interdite bien qu’inéluctable. Les personnages luttent un temps contre leur désir profond, néanmoins tout semble déjà écrit d’avance. C’est donc la mélodie d’un piano de gare, à côté duquel passe le héros masculin, qui accompagnera les premières retrouvailles des futurs amants, se faisant alors chœur antique de l’histoire, témoin des événements inexorables à venir. ‘’Des choses arrivent, c’est tout’’ confesse Pierre à son ami d’enfance qui cherche en vain une explication à la relation adultère. Un aphorisme qui résume bien la démarche de Tardieu : filmer l’inexplicable.

Fanny Ardant dans les Jeunes amants
Avec pudeur, mais sans jamais renier l’aspect érotique qui émane de ses personnages, la réalisatrice compose une partition amoureuse universelle et résolument moderne qui ne verse jamais ni dans le sentimentalisme, ni dans le manichéisme. Pour cela, elle convoque tout un imaginaire cinématographique qu’elle déconstruit habilement pour mieux faire voler en éclat toutes les barrières sociales qui se mettraient en travers de nos héros. Ainsi, un baiser volé dans une allée se pose comme une version revue et corrigée d’In The Mood for Love quand la seule présence de Fanny Ardant en objet de désir adultère renvoie au destin tragique des amants de La Femme d’à côté.

L’âge de l’innocence

La différence d’âge est quant à elle abordée non pas comme le tabou social ultime à transgresser mais plutôt comme un obstacle pernicieux et intangible sur lequel l’humain n’a que peu de prise. Le temps qui passe finit par altérer le corps et l’esprit, et c’est sans doute la plus grande injustice à laquelle devront faire face ces jeunes amants qui n’évoluent malheureusement pas à la même vitesse sur ce point. Un revers du destin cruel et arbitraire, intelligemment illustré lors d’une scène de bain déchirante dans laquelle la réalité de la vieillesse rattrape violemment Shauna.

C’est donc une double lecture assez séduisante et quasi contradictoire que propose Les jeunes amants. Celle de rejouer à la fois une éternelle histoire d’amour impossible tout en livrant une représentation du couple à l’écran telle qu’on ne la voit que trop rarement. Sans militantisme appuyé qui alourdirait inutilement son propos, la réalisatrice pose discrètement mais sûrement un nouveau jalon dans la manière d’aborder le romantisme au cinéma. Pour cela, elle peut compter sur la subtilité de son écriture et l’alchimie évidente du duo Fanny Ardant / Melvil Poupaud qui restera l’un des couples de cinéma les plus désarmants vus ces dernières années sur grand écran.

Bande-annonce

2 février 2022 – De Carine Tardieu, avec Fanny Ardant, Melvil Poupaud et Cécile de France.




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