Les-enfants-des-autres-Photo-2-©les-films-Velvet-George-Lechaptois-1920×804

LES ENFANTS DES AUTRES

Rachel a 40 ans, pas d’enfant. Elle aime sa vie : ses élèves du lycée, ses amis, ses ex, ses cours de guitare. En tombant amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde, la soigne, et l’aime comme la sienne. Mais aimer les enfants des autres, c’est un risque à prendre…

Critique du film

Les familles recomposées, la parentalité, la construction de l’identité permise ou empêchée par le biais du noyau parental, toutes ces questions ont beaucoup été représentées dans le cinéma contemporain. Il est, dès lors, très étonnant de rencontrer un film qui donne le sentiment de découvrir pour la première fois une histoire, une pensée, autour de concepts aussi rebattus et classiques. C’est ce que fait avec talent Rebecca Zlotowski pour son cinquième long-métrage Les enfants des autres, présenté en compétition officielle à la Mostra de Venise. Virginie Efira y joue Rachel, enseignante de 40 ans qui rencontre l’amour dans son cours de guitare en la personne d’Ali, père séparé de sa femme Alice. La petite Leila, du haut de ses quatre ans et demi, va devenir une personne essentielle dans la vie de Rachel, sans que sa place ne soit jamais ni vraiment définie ni assurée à ses côtés.

Cette situation typique de comédie dramatique pourrait n’être qu’une nouvelle version du couple destiné à se déchirer avec pertes et fracas, jusqu’à un éventuel dénouement heureux où chacun trouve son compte avec un lot de bonheur équivalent. Ce n’est pas ce genre d’histoires que veut raconter une Rebecca Zlotowski, déployant un univers d’une finesse et une subtilité admirable. L’intrigue révèle une sensibilité magnifique dans son premier tiers quand Rachel, dans une discussion prononcée à voix basse et tranquille, qu’elle se rend compte qu’elle a honte d’avouer de cette façon que oui, finalement, elle pense à la maternité et que, selon son gynécologue – superbe apparition du cinéaste Frederick Wiseman -, elle doit le faire le plus vite possible pour avoir une chance de réussite. Cette scène est à l’image de tout le film : on ne crie jamais dans Les enfants des autres, on prend le temps de se parler, de partager ses idées, et si l’on s’en veut, on le formule avec une dignité confondante.

Les enfants des autres
Cette partie consacrée au couple formé par Virginie Efira et Roschdy Zem ne façonne pas tout le contenu du film. À coté de cela, on retrouve d’autres personnages, la sœur et le père de Rachel, qui permettent de mieux la connaître et de comprendre son cheminement personnel qui l’amène à quarante ans à un désir de maternité tardif. Ces très beaux moments de confession, presque psychanalytiques, nous renvoient à nos propres parcours. La situation d’Ali et Alice, amusante assonance, permet à Rachel d’opérer une mise en abime de ses propres choix et de révéler au spectateur les décisions prises par le passé qui pèsent lourdement dans le présent. Le film présente aussi une femme qui a de multiples occasions de prendre soin des autres, dessinant la possibilité que la maternité n’est pas une fin en soit pour elle, et que même à son âge, plusieurs chemins s’offrent toujours à elle pour envisager un bonheur qu’elle mérite au même titre que les femmes de son entourage déjà mères.

Cette intelligence dans l’analyse et dans l’écriture fait des Enfants des autres un film rare, mais également précieux, de ceux qui donnent de la force à toutes celles qui en ont cruellement besoin, loin d’un quotidien qui pointe du doigt ces femmes qu’on dit « nullipares », littéralement n’ayant pas porté d’enfants. Pour cette somme de finesse et de dialogues d’une grande qualité, Les enfants des autres constitue un film important qui va faire date et bouleverser toute une génération en mal de repères et de certitudes quant à son avenir et aux choix à effectuer dans sa vie d’adulte encore en construction. La dimension universelle du discours de Rebecca Zlotowski est l’ultime cadeau délivré par son film qui confirme la grande artiste qu’elle promettait d’être dès Belle Épine il y a douze ans – où s’exprimait une délicatesse et une intelligence bouleversantes.

Bande-annonce

21 septembre 2022 – De Rebecca Zlotowski, avec Virginie EfiraRoschdy ZemChiara Mastroianni


Présenté en compétition à la 79ème Mostra de Venise




%d blogueurs aiment cette page :