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LES DÉLICES DE TOKYO

Les dorayakis sont des pâtisseries traditionnelles japonaises qui se composent de deux pancakes fourrés de pâte de haricots rouges confits, « AN ». Tokue, une femme de 70 ans, va tenter de convaincre Sentaro, le vendeur de dorayakis, de l’embaucher. Tokue a le secret d’une pâte exquise et la petite échoppe devient un endroit incontournable…

Haricots magiques

Le cinéma et la cuisine entretiennent une relation riche et complexe, chargée en symboles, servant généralement de lien entre les gens (comme dans La graine et le mulet, Soul kitchen ou Dans un jardin qu’on dirait éternel). Dans Les délices de Tokyo, Naomi Kawase érige un pont entre les générations, retrace un chemin vers les traditions. Elle en tire une belle évocation à travers la relation entre une femme âgée malade, Tokue (incarnée par la formidable et regrettée Kirin Kiki) et Sentarô (Masatoshi Nagase), un vendeur de « dorayakis » qui décide de l’embaucher – presque – à contrecœur après avoir découvert l’exquise confection de sa pâte de haricots rouges confits.

Derrière la simplicité trompeuse de ce récit intime et joliment photographié, plusieurs voiles se retirent progressivement pour révéler quelque chose d’un peu plus tourmenté. Dans un monde où tout se perd dans une quête désespérante et vaine de productivité, la méticulosité et la labeur de Tokue – qui transpire de longues heures chaque matin en cajolant ses haricots – devient une sensation précieuse telle une fenêtre ouverte sur le temps. Une parenthèse de réconfort pour ses personnages comme pour le spectateur, avant que Les délices de Tokyo ne dévoile son arrière-goût, plus sombre.

Les délices de Tokyo

En effet, Kawase dévoile délicatement mais sûrement comment chaque personnage a été marginalisé par la société, l’une pour son fardeau médical, l’autre par une erreur de jeunesse. Mais Tokue, dont l’aliénation fut historiquement ancrée au milieu du 20e siècle, n’est fort heureusement pas caractérisée par sa maladie, offrant à son interprète la possibilité de l’imprégner d’une richesse intérieure toute particulière. Probablement l’un des films les plus accessibles de Naomi Kawase, Les délices de Tokyo met à profit le thème de la cuisine comme un sous-texte pour offrir un regard doux-amer mais optimiste sur la possibilité de se reconstruire, offrant en creux un commentaire social bienvenu sur le sort des personnes âgées ou malades dans le Japon contemporain.

Enfin, si certains segments accompagnés d’une voix-off sirupeuse pourraient laisser craindre le pire, la grâce naît progressivement, un peu à la manière dont Tokue confectionne sa pâte de haricots magique, par la finesse du montage, la beauté des prises de vue et la performance de Kirin Kiki qui permettent aux émotions de poindre. Le rythme langoureux et la sentimentalité des films de la réalisatrice offrent ce goût si délicat et réconfortant, regorgeant d’humanité à vous en grossir le coeur, et mettant en lumière, comme son compatriote Kore-eda, ces oubliés trop rarement montrés à l’écran.


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