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LES CHOSES DE LA VIE

Au volant de sa voiture, Pierre, architecte d’une quarantaine d’années, est victime d’un accident de la route. Éjecté du véhicule, il gît inconscient sur l’herbe au bord de la route. Il se remémore son passé, sa vie avec Hélène, une jeune femme qu’il voulait quitter, sa femme Catherine et son fils

Critique du film

Quatrième long-métrage de Claude Sautet, Les choses de la vie est l’adaptation du roman homonyme de Paul Guimard et constitue le premier véritable succès populaire et critique de son metteur en scène. Celui-ci s’est entouré à l’occasion de partenaires de choix : le couple Romy SchneiderMichel Piccoli à l’interprétation, Jean-Loup Dabadie au scénario, Philippe Sarde à la musique, dont la réussite totale du film contribuera également à forger les légendes au panthéon du cinéma français.

Après deux polars (Classe tous risques, L’arme à gauche) et une comédie (Bonjour sourire), Sautet inaugure avec ses Choses de la vie un tournant dans sa filmographie, désormais dédiée à l’analyse de l’ordinaire, d’un quotidien qui, s’il semble insignifiant à l’instant où il est saisi, prend une saveur particulière quand l’imprévisible intervient.

« LA DRAMATURGIE DE LA VIE, C’EST L’INCERTITUDE »

À ce titre, quoi de plus banal et inattendu qu’un accident de voiture ? Quelle portée dramatique concéder à cet événement qui ne souffre d’aucun déterminisme ? Le film s’ouvre sur les discussions des témoins qui ont assisté à la sortie de route de l’Alfa Romeo de Pierre qui, en voulant éviter un tracteur qui venait de caler, termine sa course dans les herbes folles. Les Choses de la vie fait donc le choix de débuter par sa fin tragique et de sacrifier une part de son suspens au profit du plaisir palpable de pouvoir, comme seul le cinéma le permet, remonter le fil d’une existence et revivre par procuration ce qui nous échappe maintenant.

La citation de Sautet en ouverture est essentielle pour cerner l’esprit de son long-métrage et en saisir les enjeux. Le film se veut une réflexion méditative, voire philosophique, sur ce qui prend sens dans une vie qui arrive à son terme. Il n’est rien d’autre qu’un agrégat d’instantanés anecdotiques en apparence mais qui, mis bout à bout, trouvent une signification particulière et retranscrivent au bout du compte les tourbillons d’une âme.

Les choses de la vie

Pour entamer le compte à rebours dans la vie de Pierre, le film remonte à ce qui sera son dernier instant de béatitude : un matin où il se réveille aux côtés d’Hélène, sa splendide compagne, qui traduit des textes allemands dans la langue de Molière. Assis derrière elle, il la regarde taper activement sur sa machine à écrire, admire sa nuque et ses épaules dénudées sur lesquels se projettent les premiers rayons du soleil. Face à ce spectacle bouleversant de beauté, il ne sait que dire et se contente de tirer sa Celtique.

Le cinéma de Sautet trouve sa justesse – et son intérêt – dans la représentation de ces moments anodins qui accouchent parfois de purs instants de grâce et prennent aux tripes autant les protagonistes que les spectateurs. Dans cette scène introductive comme dans le reste du film, les regards sont d’une importance primordiale. Sous la caméra de Sautet, qui les met en lumière comme personne et les isole dans des gros plans pour mieux en saisir l’émotion, les visages des personnages dévoilent leurs failles et leur ambiguïté qu’ils ne révèlent jamais oralement. C’est à l’observateur pleinement investi de déduire les pensées de ces personnages, dont les regards sont aussi signifiants que les non-dits.

CINQUANTE NUANCES DU SENTIMENT AMOUREUX

Pour couronner le tout, le film se pare d’une construction hyper-sophistiquée qui voit exploser sa temporalité. Le rythme narratif est effréné durant la première heure, où Pierre se remémore pêle-mêle les moments marquants de sa vie sentimentale puis, dans la dernière demi-heure, en dresse un bilan alors qu’il semble agoniser dans l’herbe, sans que personne ne vienne lui porter secours. Les choses de la vie nous invite à revivre les bribes d’une existence pour mieux souligner la tragédie qui se joue lors de ce banal accident de voiture. Ce balancement permanent entre les souvenirs passés et le drame présent rend bien compte à terme de cette vie où, si rien n’est déterminé par avance, la fatalité n’en est pas moins prégnante. Malgré cela, et c’est aussi la force d’un Sautet, la sophistication couplée du montage et du scénario n’empêche pas de trouver le résultat étonnamment fluide et naturel au visionnage.

Les Choses de la vie illustre à merveille les subtilités infinies que comporte l’amour, ce sentiment éminemment complexe et dans lequel chacun se retrouve. Parfois à notre détriment. « J’ai envie de pleurer car je suis fatiguée de t’aimer » avoue Hélène à Pierre. Lui, impassible, s’allumera une nouvelle cigarette et filera comme un voleur vers l’île de Ré. Il est un homme hésitant entre deux femmes prêtes à tout accepter pour lui et à lui pardonner ses errements : lui-même doit s’étonner de cette situation où tout semble jouer en sa faveur mais qui lui pèse tout autant. Cette charge mentale ne sera peut-être pas étrangère à l’arrivée de l’accident final/initial que Pierre aura inconsciemment souhaité pour s’épargner un dilemme de tragédie. Assez pour s’en tirer ad vitam eternam ?

Le couple Piccoli-Schneider illumine à lui seul un film qui n’en avait pas besoin : lui confère au long-métrage toute sa puissance et son charisme à toute épreuve, elle lui octroie une présence et une grâce sans commune mesure. « C’est le plus beau rôle que j’ai joué » dira plus tard Romy Schneider. Il faut dire que Sautet n’a pas son pareil pour créer des personnages avec une précision d’orfèvre, les mettant face à leurs doutes et leurs regrets les plus profonds, ces choses de la vie qui font vaciller une difficile quête du bonheur.


Disponible en VOD sur UniversCiné / LaCinetek et sur Netflix le 1er janvier 2021


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