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LES CHIENS

Henri Ferret, un jeune médecin, vient s’installer en banlieue parisienne. Très vite, il reçoit la visite de nombreux patients blessés par des morsures de chiens. Des chiens de garde que les habitants ont achetés à un éleveur charismatique afin de se protéger des agressions nocturnes.

Critique du film

Au départ du film Les Chiens, il y a une idée originale d’Alain Jessua, développée en scénario écrit à quatre mains par le réalisateur lui-même et André Ruellan, écrivain de science-fiction français, également connu sous le pseudonyme de Kurt Steiner. Ce matériau donnera lieu à une novélisation de l’écrivain d’une part, et, d’autre part, au film qui nous occupe ici et que Studio Canal réédite dans la collection Make My Day de Jean-Baptiste Thoret. 

L’oeuvre d’Alain Jessua, très originale et souvent visionnaire, flirtait souvent avec une certaine forme d’anticipation ou avec le fantastique pour évoquer des sujets rarement traités par le cinéma français de l’époque. Réalisé six ans après Traitement de choc dont le thème de la peur du vieillissement se trouvait lié à une réflexion sur l’exploitation de l’autre, voire d’une forme moderne de vampirisme et deux ans après Armaguedon, film sur l’obsession de la célébrité et la puissance des médias, Les Chiens fait partie comme ses deux prédécesseurs des grandes réussites du metteur en scène. Le côté visionnaire transparaît dans ce film de 1979 en annonçant quelques années avant qu’ils n’aient lieu les drames du quotidien liés à des attaques de chiens. Mais aussi l’obsession de l’auto-défense, des milices et de l’exploitation par la politique de l’insécurité et du sentiment d’insécurité. 

Tourné à Torcy et à Marne La Vallée, Les Chiens nous montre une ville déshumanisée et anxiogène où les jeunes cherchent désespérément un dérivatif à l’ennui et au vide existentiel en s’adonnant à des jeux dangereux et en provoquant les maîtres des chiens d’attaques. Un violeur rôde et une certaine insécurité existe mais elle entraîne une psychose qui pourrait faire plus de dégâts encore. Folie alimentée par la peur de l’autre : les travailleurs émigrés ou les jeunes.

Les chiens film

La fascination que le personnage de Morel, joué par Gérard Depardieu – qui venait alors d’être agressé par un homme qui avait volontairement lâché son chien sur lui et pour qui le film fut un véritable travail de thérapie, d’exorcisme de son traumatisme – exerce sur la population de la ville, rend les habitants complètement aliénés. Ils finissent par avoir plus d’amour pour leurs chiens que pour leurs conjoints. Ainsi cette scène où le médecin joué par Victor Lanoux surprend au petit matin sa partenaire, interprétée par Nicole Calfan, embrassant son chien presque amoureusement. Cette ambivalence, cette sexualité refoulée et dirigée vers l’animal, tout cela crée un malaise. Il est d’ailleurs dit à un moment du film que les personnages sont en train de devenir des chiens.

La musique parfois dissonante de René Koering et de Michel Portal ajoute à l’étrangeté des situations et à l’ambiance anxiogène de ces espaces urbains modernes et inquiétants à la fois. Et les efforts désespérés du médecin semblent bien dérisoires face à la folie collective qui s’empare des habitants.

Comme souvent, l’angoisse naît d’une situation quotidienne, presque banale, qui va dériver lentement mais sûrement. Dans l’édition proposée par Jean-Baptiste Thoret et Studio Canal, on trouve en guise de suppléments, outre la présentation habituelle du critique et réalisateur, directeur de cette belle collection, un entretien avec Alain Jessua, un autre avec Nicole Calfan et le regard éclairé et passionné de Philippe Rouyer qui revient sur le film pendant près d’une heure. 

Jean-Baptiste Thoret souligne quant à lui l’importance et l’originalité d’Alain Jessua dont il avait déjà édité En toute innocence. Il faut noter à quel point la collection Make My Day a le mérite de rendre régulièrement hommage, parmi une sélection  très variée, à un cinéma français singulier, innovant pour son époque, parfois mal connu et qui abordait d’une certaine façon le cinéma de genre (France Société Anonyme, Asphalte, Les Chiens).

Comptant parmi les films clés d’Alain Jessua, mêlant drame social, politique et anticipation, Les Chiens est disponible depuis le 30 juin en combo Blu-Ray / DVD édité par Studio Canal, dans la collection Make My Day.

 


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