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LES BONNES ÉTOILES

En Corée du Sud, il existe des boîtes dans lesquelles il est possible de déposer son bébé afin que celui-ci soit adopté par une autre famille. Sang Hyeon et son collègue Dong Su trouvent de nouveaux parents pour un enfant qui a été déposé dans l’une de ses boîtes. Ils concluent un accord spécial avec eux… mais la mère biologique du bébé, Yeong So, refait surface.

Critique du film

La tournée internationale d’Hirokazu Kore-eda continue trois ans après La Vérité, qui comportait un casting (presque) entièrement français, avec cette fois-ci une escale en Corée du Sud du coté de Busan et le littoral du pays. Les bonnes étoiles (ou Broker dans sa version internationale et coréenne), est un film qui épouse les contours d’une problématique typique de ce pays : l’adoption par le biais de « boites à bébé ». On retrouve en tête d’affiche l’un des plus grands acteurs de ces dernières années, le héros de Parasite, Song Kangho, mais aussi la très médiatique Bae Doona, et les jeunes espoirs Gang Dongwon et Lee Jieun. Cette particularité de la société coréenne sonne presque comme un motif fantastique. Les parents déposent littéralement leurs nouveaux-nés dans des boites, recueillis par des structures d’accueil avant placement dans de nouvelles familles. Sang Hyeon et Dongsoo profitent de ce système pour faire un commerce qui n’est plus ni moins que de la traite d’enfants.

Chaque personnage a un placement moral complexe : que ce soit la jeune mère qui abandonne son bébé, révélant au fil de l’intrigue un passé sulfureux et délictueux, ou ces deux hommes torturés qui sous de bonnes intentions gagnent leur vie sur un socle de malheur et de souffrances. S’il fait un film coréen, le réalisateur de Nobody Knows (2003) réinvestit ses thématiques et obsessions favorites, à savoir la recomposition familiale et les énergies qui s’en dégagent. Il y a beaucoup d’Une affaire de famille dans Les bonnes étoiles, en effet ici aussi le groupe est bricolé, de circonstance. L’accent y est même encore plus fort en cela qu’il s’improvise par surprise, là où la structure du film japonais était plus une construction de résistance à la société et ses normes. Les cinq personnages des Bonnes étoiles voient leurs destins liés l’espace de quelques jours, dans une dimension éphémère qui n’est pas sans une intensité dans leurs rapports.

Comme souvent chez Kore-eda, on apprend à découvrir les personnages au fil de l’eau, tout d’abord des pages blanches, arborant des mensonges de façade plus faciles à assumer que la vérité, ils se dévoilent quand la confiance et les aléas les rapprochent dans toutes les aspérités et difficultés qui jalonnent leur chemin. Tout le film se déploie sur cette nécessité de trouver un nouveau foyer au petit Woosung en évitant les arnaques, la police et les autres embûches liées au passé des personnages. La structure de l’intrigue est en cela un modèle du genre. D’allure simple, elle se ramifie en de multiples strates où l’on découvre l’histoire de chacun et de chacune, explicitant en creux les motivations et intentions cachées dans l’intimité de l’écriture.

Les bonnes étoiles

Au delà de ces qualités d’écriture, le film est soutenu par son casting de premier plan, illustration à chaque niveau de l’histoire de la perfection du choix de chaque acteur. Song Kangho en patriarche cabossé qui reproduit des modèles de famille dysfonctionnels, Bae Donna dans son éternel rôle de policière dure, figure morale qui rattache chaque branches à l’arbre commun, une sorte de ciment qui permet à l’édifice de tenir le choc, même après l’éclatement inéluctable du dernier acte qui voit le petit groupe se séparer pour laisser chaque membre vaquer à son propre destin et ses choix de vie. Il est étonnant de constater que chaque nouveau film du réalisateur japonais s’imbrique parfaitement dans le corps de son œuvre, même tournés à l’étranger au sein de cultures et de problématiques plus éloignées de celles de ses premiers films.

Le soin apporté par Hirokazu Kore-eda aux détails dans ce nouveau long-métrage en fait un nouveau temps fort, un petit chef d’oeuvre de subtilité et de délicatesse où la violence et la brutalité ne sont presque jamais dans le plan, laissant la place à des analyses fines et sensibles sur les mécanismes régissant la parenté, la maternité et les traumatismes habitant les personnages. La constance de la qualité de la mise en scène du maître nippon est en cela remarquable, sans signes d’essoufflement pour ce cinéma nécessaire et sublime.

Bande-annonce

7 décembre 2022De Hirokazu Kore-eda, avec Song Kangho, Bae Doona, Ji-eun Lee et Gang Dongwon.


Cannes 2022 – Prix d’interprétation masculine




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