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LE RETOUR

Khédidja travaille pour une famille parisienne aisée qui lui propose de s’occuper des enfants le temps d’un été en Corse. L’opportunité pour elle de retourner avec ses filles, Jessica et Farah, sur cette île qu’elles ont quittée quinze ans plus tôt dans des circonstances tragiques.

CRITIQUE DU FILM

C’est peu dire que le dernier film de Catherine Corsini aura eu un parcours mouvementé, et cela bien en amont de sa sortie en salles. Malgré une polémique qui a bien failli lui coûter sa place en compétition à Cannes, Le Retour se retrouve finalement présent en sélection officielle, prêt à concourir pour la Palme d’Or. Réalisatrice, productrice et actrice sont par ailleurs montées au créneau afin de défendre le fruit de leur travail et tenter de balayer toute rumeur de comportements problématiques survenus lors du tournage. Une situation complexe qui électrise inévitablement le ressenti du spectateur lorsque la projection du film débute. 

Pourtant, rien n’a véritablement matière à susciter une vive émotion – et encore moins un scandale – au visionnage du résultat sur grand écran. On connait l’engagement de la réalisatrice dans la défense des droits des femmes, et c’est justement un triple portrait féminin qu’elle choisit de dresser au cœur de son nouveau long-métrage. Khedidja, assistante maternelle, élève seule ses deux filles adolescentes : Jessica, l’aînée modèle encensée par sa mère, en passe d’intégrer Sciences-Po et Farah, la cadette frondeuse, en pleine phase d’opposition adolescente. Accompagnée de ses deux filles, Khedidja se rend en Corse le temps d’un été afin de s’occuper des enfants d’une famille bourgeoise blanche. Or, elle n’a pas remis les pieds sur l’Île de Beauté depuis la mort de son mari, une quinzaine d’années plus tôt. L’arrivée du trio sur l’île va raviver les braises d’un secret de famille enfoui tandis que Farah et Jessica commencent à profiter de l’été, chacune à sa manière…  

Plusieurs films cohabitent dans Le Retour. Le premier est une chronique estivale adolescente qui offre de jolis moments. Le parcours des deux sœurs que tout oppose a beau suivre le schéma très classique du teenage-movie (crise identitaire, premiers émois amoureux, expérimentations en tout genre…), il n’en demeure pas moins touchant la plupart du temps. Jessica et Farah se construisent en opposition. Jessica se donne corps et âme à ses études, seule voie possible selon elle pour s’élever socialement et échapper à une classe dont elle a secrètement honte. Farah se montre plus insoumise, prête à en découdre avec quiconque lui ferait une remarque désobligeante sur ses origines. Leur évolution en miroir donne lieu aux meilleures séquences du film, notamment une confrontation nocturne qui laisse la part belle au pur talent de ses comédiennes (les révélations Esther Gohourou et Suzy Bemba).

Si Catherine Corsini traitait frontalement des rapports de classes dans La Fracture, elle tente ici de prolonger son étude, en irriguant son drame familial de problématiques liées au statut social et ethnique de ses personnages. Cela fonctionne plutôt bien lorsque le scénario se focalise sur l’évolution des deux adolescentes dont les questionnements identitaires collent parfaitement aux tourments adolescents. C’est en revanche beaucoup plus poussif lorsque le récit s’égare dans les mystères qui entourent la mort du père des héroïnes. Pourtant présenté dès le prologue comme l’enjeu narratif central du récit, le secret qui ronge Khedidja finit par devenir une béquille scénaristique superficielle, uniquement là pour dérouler le discours du film.  Les coutures sont tellement encombrantes qu’elles obligent la réalisatrice à se détourner complètement du personnage de Khedidja pendant le dernier tiers du film, avant de la faire revenir dans un dernier monologue faiblard et surexplicatif. 

Bancal dans son écriture et trop sage dans sa mise en scène, Le Retour se révèle bien trop fragile pour espérer obtenir une place de choix dans la compétition cannoise. Sans doute aurait-il gagner à recentrer ses enjeux (forts et intéressants) autour de ses deux jeunes héroïnes plutôt que de noyer son discours dans un récit familial digne des plus grandes sagas de l’été sur TF1. Heureusement, le film peut compter sur son impeccable casting que l’on espère retrouver dans une œuvre plus aboutie, que ce soit chez Corsini ou chez un.e autre metteur.euse en scène.

Bande-annonce




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