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LE PARRAIN 2e partie

Après la mort de Don Vito Corleone, le fils du parrain, Michael, va tout faire pour assurer la suprématie retrouvée de la famille. Mais il doit affronter de nombreux adversaires : outre la concurrence des autres familles de la mafia, une enquête sénatoriale le met en cause et son propre frère va le trahir. Il se sent plus seul que jamais et voit sa famille et son empire commencer à se désintégrer. 

INDÉPENDANCE

Après l’énorme succès du Parrain, la Paramount songe rapidement à produire une suite. Très productif, Francis Ford Coppola profite d’être en haut de la vague pour tourner l’excellent Conversation secrète (1974), un projet que personne ne voulait soutenir et qui décrochera la Palme d’or à Cannes ! La Paramount souhaite donner une suite au Parrain mais Coppola ne veut pas en entendre parler, échaudé par l’aventure chaotique du premier tournage. On lui propose d’en être uniquement producteur. Il suggère le nom de Scorsese pour le remplacer à la réalisation, mais la Paramount refuse. Il finit par accepter de réaliser le film lui-même pour un million de dollars, un record pour l’époque. Conversation secrète n’étant pas terminé, il laisse le soin à son sound designer Walter Murch d’en finir le montage.

Pour la suite du Parrain, Coppola exige une indépendance totale, le final cut, un budget plus conséquent, et demande à ce qu’aucun dirigeant ou producteur du premier volet ne soit présent sur le plateau, en particulier Robert Evans. Pacino demande lui aussi un salaire beaucoup plus élevé. Cette fois, Coppola a les moyens de son ambition. Le tournage dure neuf mois. Pour la séquence finale, le réalisateur veut réunir les comédiens du premier film, mais Marlon Brando refuse. À sa sortie, le film connaît un succès commercial sans atteindre les sommets du premier volet. Et le film remporte six Oscars, dont celui du meilleur réalisateur pour Coppola. Il est devenu le cinéaste le plus important d’Hollywood. 

Le Parrain II n’est que partiellement adapté du roman de Mario Puzo. Coppola souhaite raconter les trajectoires du père et du fils en parallèle, au même âge mais à différentes périodes, à l’aide de flash-back. Il cherche à s’éloigner de l’image glamour et complaisante de la mafia véhiculée par le premier film, et montrer un gangster implacable, enfermé dans les tourments de sa propre spirale criminelle. Il songe à Robert De Niro pour incarner Vito Corleone jeune. Celui-ci apprend la langue sicilienne et reçoit un Oscar, le premier attribué pour un rôle non-anglophone.

LÉGITIMISATION

Le Parrain, 2e partie (1974) commence sept ans après la fin du premier film. Les affaires ont fleuri pour les Corleone qui ont développé leurs activités à Las Vegas et Reno. Mais rien ne se passe comme prévu. Procédé osé pour l’époque, la narration est construite sur un aller-retour constant entre deux périodes : l’enfance de Vito Corleone en Sicile, son arrivée à New York, son ascension pour devenir un Don. En parallèle, nous suivons les tentatives de Michael pour développer son activité dans les casinos et devenir « légitime ». De magnifiques fondus enchaînés (en images) permettent de passer d’une époque à l’autre. Ces mouvements temporels ont été réduits au montage, car les spectateurs des projections test étaient perdus dans les strates narratives.

La partie historique, qui se passe au début du siècle, est impressionnante par sa reconstitution fidèle de New York. On ne peut s’empêcher de penser à Il était une fois en Amérique (1984), même si l’enfance de la bande d’amis du film de Leone se déroule un peu plus tard, dans les années 1920. On peut d’ailleurs imaginer que Leone a été influencé par ce schéma narratif, car il l’adopte également dans son film qui est rempli de sauts temporels entre cinq époques différentes (ce qui a d’ailleurs valu des problèmes à Leone aux États-Unis où une version chronologique est sortie, les producteurs pensant sûrement que les spectateurs n’étaient plus en mesure de comprendre ce qu’ils acceptaient dix ans avant). Une autre connexion est intéressante à noter, celle entre Le Parrain II et La Légende du pianiste sur l’océan (1998) de Giuseppe Tornatore. Les deux films contiennent une scène identique : l’arrivée de migrants dans le port de New York et le passage des voyageurs ébahis devant la Statue de la Liberté. Il est amusant de comparer le traitement musical des deux scènes : dans le cas du premier, Nino Rota fait preuve d’une certaine retenue, alors que chez Morricone, c’est une véritable explosion symphonique.

Avec une introduction en Sicile en 1901, Le Parrain II explique les racines du nom de Vito Andolini, devenu Corleone, ainsi que la relation de son père à la mafia locale. Il se poursuit à la fin des années 1950 au lac Tahoe dans le Nevada pour une scène de gala au bord de l’eau qui fait écho au mariage qui ouvrait le premier film. Le lien entre les deux parties est le petit-fils de Vito, Anthony. On assiste aux négociations dans les coulisses alors que la fête bat son plein. Kay attend un troisième enfant de Michael, ils en ont déjà eu deux : un garçon et une fille. On rencontre vite un personnage trouble, Heyman Roth, un homme d’affaires vieillissant joué par le propre mentor d’Al Pacino, une des grandes figures de l’Actor’s Studio et ancien professeur de l’acteur, Lee Strasberg. Une scène troublante qui sonne comme un aveu, aussi bien dans le film que dans la réalité, quand Michael dit à Roth : « Vous êtes un grand homme, j’ai beaucoup à apprendre de vous. » Dans la fiction, les choses sont moins roses, car Roth trahit Michael et finira assassiné comme beaucoup d’autres.

Dans sa partie historique consacrée à Vito, le film permet de remonter à la source du pouvoir du parrain. Celui-ci s’est forgé petit à petit, en prenant la défense des faibles face aux puissants, en déjouant le destin de ceux victimes d’injustices. Vito a des manières très calmes et posées, voire polies. Il crée sa réputation et devient un pilier de la société italo-new-yorkaise, tout en développant une société d’import d’huile d’olive. Ce constat plutôt positif est dès le début entaché de violence. Le pouvoir du parrain est hérité de celui de la mafia italienne qui consiste à se débarrasser de toute personne gênante. Les créateurs de l’organisation des Familles se sont inspirés du modèle des légions romaines. Et cela a fonctionné pendant un temps, c’est ce qu’un dialogue entre Tom Hagen et Frankie Pentangeli nous apprend à la fin du film.

La partie contemporaine nous montre où ce pouvoir conduit Michael. La part de reconstitution d’époque est assez impressionnante aussi, puisqu’une longue séquence se déroule à La Havane (tournée en République dominicaine). Et c’est une cruelle descente aux enfers. Kay, la femme de Michael, s’éloigne de lui quand elle comprend que la promesse qu’il lui avait faite il y a sept ans (dans le premier film) comme quoi le business des Corleone deviendrait complètement « légitime » ne serait jamais tenue. Dans une scène déchirante, elle lui apprend qu’elle ne l’aime plus, qu’elle n’a pas fait une fausse couche de leur troisième enfant, comme on le lui avait fait croire, mais qu’elle a choisi d’avorter. Une révélation terrible pour Michael, qui contribue à l’éloigner encore plus du monde des vivants.

Il commet alors l’irréparable : faire tuer son propre frère sous le prétexte qu’il s’était laisser manipuler par un de ses ennemis. Michael, dont la femme est partie, et à laquelle il ne laisse pas de droit de garde, se retrouve seul après le décès de sa mère. À la fin du film, Pentangeli se suicide comme les généraux romains qu’il admirait. Roth est assassiné et Fredo l’est aussi. 

Michael se retrouve seul dans un salon peuplé de fantômes. Un souvenir envahit son esprit : un repas de famille avant le début du premier film, alors que tout est encore possible. Michael annonce à l’assistance réunie pour l’anniversaire de Vito qu’il s’est engagé dans l’armée. L’absence de Brando, qui a refusé de se rendre sur le lieu de tournage après avoir donné son accord, rend la scène d’autant plus poignante. On sent sa présence hors champ, son aura n’aura jamais été aussi forte.

Puis, c’est le tout dernier et magistral plan du film. Michael assis sur une chaise dans un jardin. On ne sait pas quand, peut-être quelques années plus tard. Il est seul, plongé dans un abime de réflexion, le visage avalé par l’obscurité à mesure que la caméra avance. Il est devenu l’incarnation du Mal dont il est l’héritier ancestral et qui a fini par le consumer. Fondu au noir.

DEUX FACES D’UNE MÊME PIÈCE

Si certains considèrent que Le Parrain 2e partie est supérieur au premier volet, on se gardera d’une telle affirmation en considérant simplement que ce sont deux faces d’une même pièce. Chaque volet peut faire l’objet d’une lecture sociologique, psychologique, historique, féministe, donnant ainsi du grain à moudre aux exégètes en tout genre. Le premier film avait mis en place le mythe et défini des personnages d’une rare authenticité, le second les approfondi et permet de mieux les connaître en révélant leurs motivations profondes. Le parcours de Vito Corleone s’éclaire ici en montrant son ascension au pouvoir. De son côté, Michael suit une courbe inverse, et verra son parcours le mener vers la perte de son humanité et le mépris de ceux qu’il aimait. Le film renseigne aussi sur l’origine de la mafia, et s’il reste une œuvre de fiction, se base en partie sur des faits réels pour les scènes d’interrogation par le Sénat. S’il répète certaines figures du premier film, c’est pour mieux en montrer les différences, comme dans la réception au lac Tahoe du début du film (qui fait écho au mariage du premier), pendant laquelle Michael est loin de se faire respecter comme son père. Les temps ont changé (sept ans d’écart entre les deux récits seulement), mais déjà le monde s’est complexifié.

Dans Le Parrain, les cinq Familles se faisaient la guerre à New York. Là, le cadre est plus large et atteint une dimension géopolitique. L’Histoire s’en mêle avec la révolution castriste à La Havane. L’ascension de Michael l’expose, ainsi que sa famille, à de terribles dangers. En resserrant l’intrigue sur deux personnages, Coppola et Puzo ont créé une œuvre d’une grande intensité, dont le côté tragique et shakespearien est encore plus prononcé que dans le premier film. Une veine qui sera exploitée à outrance dans la troisième partie qui n’en est pas une, puisque renommée par le réalisateur coda ou épilogue.

Coffret 50 ans

Pour les 50 ans, Paramount édite un superbe coffret collector en 4K ULTRA HD

PLÉTHORE DE BONUS

Le coffret du 50e anniversaire de la trilogie du Parrain propose un grande quantité de bonus de toutes sortes. S’il reprend ceux de l’édition précédente, il en propose aussi de nouveaux : des explications sur la nouvelle restauration en 4K, un témoignage de Steve Schapiro (le photographe de plateau du premier film), des images inédites en 8 mm prises sur le tournage, et une comparaison entre cette dernière restauration et la précédente, ce qui permet de mieux comprendre le travail titanesque qui a été entrepris pour redonner aux films toute leur splendeur. 

À voir aussi : la réunion de l’équipe en 2017

Les bonus plus anciens ne sont pas moins passionnants, et donnent l’occasion de se plonger dans les multiples facettes de ces films devenus légendaires. Outre les commentaires audio de Coppola, on trouve notamment un documentaire retraçant la bataille qu’il a dû mener pour imposer sa vision du best-seller de Mario Puzo, un segment sur l’influence des films sur la culture populaire (avec des extraits des Simpson, des Soprano, des pubs…), de nombreux témoignages de fans célèbres ou pas, une discussion au piano entre Nino Rota et Coppola, un arbre généalogique, des courts métrages, des albums photos, etc.

Manque juste à l’appel la version télé des deux premiers volets, diffusée en 1984 sur Antenne 2, en neuf épisodes de cinquante minutes. Si elle ruinait l’habile construction temporelle du Parrain II, en replaçant les scènes des deux films dans l’ordre chronologique, elle proposait une grande quantité de séquences inédites (cinquante-sept minutes au total), dont on peut tout de même en découvrir certaines dans ce coffret.


À venir : troisième partie de notre retour sur la trilogie Le Parrain avec le 3e volet et épilogue



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