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LA MIF

Au cœur d’un foyer d’accueil, une bande d’adolescentes vivent avec leurs éducateurs. Comme une famille, elles ne se sont pas choisies et elles vivent sous le même toit. Lorsqu’un fait divers met le feu aux poudres, c’est tout un système sclérosé et rétrograde qui se révèle au grand jour.

Critique du film

Auréolé du prix Génération 14Plus lors de la Berlinale 2021, La Mif, nouveau film du réalisateur autodidacte genevois Frédéric Baillif, a fait l’objet avant son tournage d’un travail préparatoire de deux ans. Deux années durant lesquelles le metteur-en-scène, ancien éducateur lui-même, a répété avec ses jeunes actrices et les a invitées à nourrir leurs personnages, en développant intérieurement une histoire personnelle, un passé qu’elles ne devaient pas dévoiler aux autres. Ces jeunes filles ne jouent pas leurs propres rôles mais connaissent (ou ont connu) des situations similaires ou se sont inspirées d’expériences de leurs camarades. Quant à Claudia Grob, qui joue Lora, elle exerce le métier de directrice de foyer comme son personnage.

De cette alliance entre un travail intérieur de longue haleine et un vécu réel,  direct ou indirect, Frédéric Baillif a filmé une fiction au réalisme impressionnant dont les interprètes, toujours très naturelles et émouvantes, donnent l’impression d’assister à un documentaire pris sur le vif, renforcée par le caractère improvisé d’un grand nombre de séquences. Jamais larmoyant, ni donneur de leçons, La Mif, bien au contraire, incite à une réflexion et à une permanente remise en question de ses propres préjugés concernant le type de structure présenté, la façon dont se déroule le quotidien mais aussi le métier d’éducateur et sa fonction. Au-delà de l’aspect administratif dépeint dans le film, ce dernier invite également à se questionner sur la position d‘adulte vis-à-vis des mineurs et sur des sujets comme l’autorité ou la sexualité entre adolescents. Ce dernier thème fait l’objet d’un dilemme dans La Mif, avec la relation entre une jeune femme de 16 ans, majeure sexuellement et d’un jeune garçon de 14 ans, donc encore mineur. Cet événement va faire l’objet d’une déflagration dans une structure déjà habituée aux tensions et aux questionnements. 

Entre les murs

Plusieurs chapitres, chacun consacré à un des personnages en particulier, viennent construire petit à petit une histoire, dont certains éléments sont montrés plusieurs fois, avec des scènes qui se répètent mais ne sont plus les mêmes, enrichies par des informations sur les personnages qui apparaissent au fur et à mesure.

Lora, la directrice de ce foyer se retrouve à un moment donné dans le collimateur de l’administration. On lui reproche des manquements graves à sa fonction, à sa mission. Ce personnage bouleversant, dont on sent vite que le métier est une véritable vocation, rappelle à certains de ses interlocuteurs que les pensionnaires ne sont pas des détenues. Son humanité et son empathie vont se heurter aux failles d’un système qui a peut-être oublié ces valeurs au profit d’une rigidité et d’une trop grande rigueur morale qui risquent de faire plus de mal que de bien à des êtres vulnérables. Parmi les éducateurs qui travaillent avec Lora, différents profils se dessinent, s’affinent tout au long de cette histoire. Certains masques, conscients ou non, tomberont. Tout le monde n’a pas la même conception de l’éthique et du rôle qu’il a à jouer dans cette structure et dans la vie de façon plus générale.

Offrant des portraits forts, émouvants et sensibles, aussi bien du côté des jeunes adolescentes que de celui de l’encadrement éducatif, La Mif délivre un formidable témoignage sur les structures d’accueil pour adolescents et une belle réflexion sur l’engagement, l’éducation et le rapport à l’autre. Son interprétation magnifique et sa mise en scène d’une grande sobriété, qui s’efface derrière son sujet, constituent un beau travail collectif investi et qui frappe fort.

Bande-annonce

9 mars 2022 – Festival Les Arcs 2021 // Compétition




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