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LA HAINE

Trois copains d’une banlieue ordinaire traînent leur ennui et leur jeunesse qui se perd. Ils vont vivre la journée la plus importante de leur vie après une nuit d’émeutes provoquée par le passage à tabac d’Abdel Ichah par un inspecteur de police lors d’un interrogatoire.

Une question d’atterrissage.

Voir un film comme La Haine pose plusieurs problèmes. Comme toute œuvre tirée d’un contexte social spécifique, il y a la peur de ne pas parvenir à l’appréhender, et donc de passer à côté, malgré ses qualités. La Haine fleure bon la « fracture sociale », notion vague et fourre-tout qui a accompagné l’arrivée au pouvoir de Jacques Chirac. Une époque qui semble lointaine, même si rien n’est réglé aujourd’hui. Il y a aussi le risque du film trop pédagogique – et par conséquent mal rythmé – ou celui de verser dans le caricatural et manichéen, voire dans l’oeuvre qui a mal vieilli. Beaucoup d’a priori donc pour une personne d’une vingtaine d’années qui découvre le film vingt ans après sa sortie.

Pourtant, La Haine réussit à balayer, sans trop de difficultés, ces appréhensions initiales. Mathieu Kassovitz a conçu un vrai film, pas juste une œuvre qui surfe sur l’actualité du moment pour faire un coup commercial. La force de La Haine est de ne pas être un film de vengeance bête et méchant où les protagonistes se contentent de tuer ; au contraire, il questionne ses personnages et les met en face de leurs défauts. C’est le cas de Vinz, joué par Vincent Cassel, qui souhaite se faire un flic pendant tout le film : Kassovitz arrive à en faire un personnage plus complexe que de prime abord, partagé entre son fantasme de tuer pour « être cool » et le passage à l’acte dans la réalité, concrétisation indéniablement différente. Par ce biais, le réalisateur francilien parvient à faire monter la tension dans la deuxième partie du film, qui se déroule à Paris, jusqu’au climax parfaitement mené.

En plus de brosser des personnages crédibles et attachants, Kassovitz sait mettre en scène son histoire. Si la première partie est plutôt classique dans son déroulement – avec un humour assez faiblard et des séquences avec les policiers qui ne font pas toujours mouche – la seconde est un vrai thriller mené d’une main de maître, jusqu’à cette fin explosive où le regard de Saïd capte celui du spectateur pour le marquer à jamais. L’apparition fréquente de l’heure apparaît comme une bonne idée, permettant de mesurer l’ennui des protagonistes – le temps passe au ralenti – mais aussi de contextualiser les séquences parisiennes et de suivre facilement les personnages ; le dernier train de minuit trente, l’expo à une heure, le vol de voiture à trois, etc.

Au final, le manque de rythme de la première partie ainsi que le manque de profondeur de certains seconds rôles à Paris empêchent La Haine d’être un excellent film. Il n’en reste pas moins qu’il est bon, voire très bon par moment, avec des acteurs concernés et crédibles – les performances d’Hubert Koundé et de Saïd Taghmaoui sont excellentes – et une réalisation exemplaire dans sa seconde partie. Un vrai film de genre, qui parvient à retranscrire l’ambiance d’une époque sans vouloir à tout prix être trop moralisateur ou manichéen. Et vu le sujet du film, il s’agit d’un exploit.


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