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LA DERNIÈRE VIE DE SIMON

Simon a 8 ans, il est orphelin. Son rêve est de trouver une famille prête à l’accueillir. Mais Simon n’est pas un enfant comme les autres, il a un pouvoir secret : il est capable de prendre l’apparence de chaque personne qu’il a déjà touchée… Et vous, qui seriez-vous si vous pouviez vous transformer ?

Critique du film

La Dernière Vie de Simon aborde la question du cinéma de genre de manière différente. Penser le cinéma de genre en France amène immédiatement certains films à l’esprit. Grave de Julia Ducournau ou Holy Motors de Leos Carax par exemple. Il y a également des films dont les réalisateurs français se sont expatriés comme Crawl d’Alexandre Aja ou The Voices de Marjane Satrapi. Tous ces films très différents ont cependant un point commun : ils abordent tous la question du cinéma de genre sous un angle horrifique ou inquiétant.

Existe-il un cinéma de genre français qui lorgnerait vers le fantastique, avec un ton plus enfantin, sans être infantilisant ? Oui, il suffit de regarder le cinéma d’animation. Sur le live, peu de candidats, mais parmi eux La dernière vie de Simon.

Visages, visages

La dernière vie de Simon, premier film de Léo Karmann, se distingue par le ton choisi pour aborder le fantastique. Le pouvoir de Simon est traité avec un ton plus « magique ». Un émerveillement souligné par le début du film, mettant en scène des enfants. La partition d’Erwann Chandon, qui rappelle les meilleures musiques des Harry Potter de Chris Colombus, y est aussi pour beaucoup. Cette approche insouciante du fantastique rappelle tout un héritage cinématographique auquel Léo Karmann et la scénariste Sabrina B. Karine font référence. Le film transpire l’esprit du cinéma fantastique grand public des années 1980 par sa candeur, tout en traitant en filigrane de sujets graves. Le visionnage rappelle le cinéma de Steven Spielberg, de Robert Zemeckis, ou encore Midnight Special de Jeff Nichols – notamment dans son utilisation de la lumière.

La dernière vie de Simon traite de sujets sensibles. Le pouvoir de Simon – la capacité de prendre l’apparence de quiconque il touche – est autant un élément d’émerveillement qu’une extension de son mal-être. Orphelin et sans-repères, celui-ci cherche littéralement sa place dans la société, en essayant de s’intégrer grâce à son pouvoir. Simon peine à s’accomplir lui-même en tant qu’individu, et ne peut s’empêcher d’incarner quelqu’un d’autre, de jouer un rôle. Cette question de la recherche d’identité dans l’enfance permet au film d’éviter un écueil qui lui pendait au nez : la niaiserie. Enfantin mais jamais simpliste, La dernière vie de Simon traite en parallèle de deuil ou de maladie grave, même si son sujet central reste autour de l’identité.

La dernière vie de Simon

Mais le film se mue rapidement. Si une première partie traite de Simon enfant, l’essentiel du film tourne autour de sa vie de jeune adulte. Le bouclier identitaire qu’il s’est infligé est alors mis à mal par ses sentiments refoulés, que seul le vrai Simon peut exprimer. Il est confronté à une identité usurpée, en témoigne la mise en scène maligne et l’omniprésence de miroirs et de reflets. Il doit faire un choix, s’accepter ou affronter cette part de lui-même. En bon coming-of-age movie, Simon est face à ses sentiments, mais également aux pressions inhérentes des premiers pas dans la vie d’adulte.

Des considérations essentielles des films mettant en scène des adolescents, mais le fantastique et le pouvoir de Simon rajoutent une tension supplémentaire. Simon devient une sorte de Peter Parker exacerbé. Chez les deux personnages vivent deux identités antinomiques, qui sont le fruit d’un pouvoir surnaturel. Une dualité identitaire mise à mal par des sentiments amoureux et contradictoires selon l’identité pour laquelle on opte. Des éléments essentiels pour souligner un mal-être de fin d’adolescence.

La mise en scène de Léo Karmann est épurée, inspirée, et laisse davantage la place aux personnages. Des personnages dont la psychologie grâce aux jeux de regards. L’influence de Drive dans l’écriture que citent le réalisateur et la scénariste saute alors aux yeux. Les regards sont signifiants, tantôt chargés de sentiments, tantôt de troubles et de doutes. Quant au scénario, si l’on taira ses enjeux, il ose aller vers le comique. Un exercice réussi grâce au sens du timing de ses dialogues. La dernière vie de Simon est un film rafraîchissant, qui maîtrise aussi bien l’enfance émerveillée que la fin d’adolescence troublée. Il propulse ainsi son réalisateur, sa scénariste, et ses interprètes comme des personnalités qui feront assurément le cinéma français de demain.

Bande-annonce

5 février 2020 – De Léo Karmann, avec Benjamin VoisinCamille Claris




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