l’ordre moral

L’ORDRE MORAL

En 1918, Maria Adelaide Coelho da Cunha, héritière et propriétaire du journal Diário de Notícias, abandonne le luxe social et culturel familial dans lequel elle vit, pour s’enfuir avec un insignifiant chauffeur de 22ans plus jeune qu’elle. Les conséquences de cette décision vont être douloureuses et moralement dévastatrices.

Critique du film

Mário Barroso est un artiste aux talents multiples qui tous semblent rayonner pour le plus grand bien de l’Ordre moral. S’il est seulement son troisième long-métrage en tant que réalisateur, c’est l’aboutissement de plus de quarante ans de carrière dans le cinéma et dans le théâtre. Ce désir de mise en scène se cristallise autour de la figure de la grande actrice portugaise Maria de Medeiros, parfaite incarnation de Maria Adelaide Coelho Da Cunha. L’intrigue du film nait au cœur d’une famille très aisée, on pourrait dire aristocratique, Maria Adelaide étant l’héritière d’une fortune colossale, et notamment d’un journal célèbre au Portugal.

L’auteur cumule les fonctions de réalisateur mais aussi de directeur de la photographie, le poste qu’il a le plus occupé dans sa carrière, et cela se ressent dès les premières images. La qualité de la prise de lumière et sur les couleurs est tout simplement prodigieuse. On retrouve un clair obscur et une teinte « olivâtre » qui confère un cachet unique au grain de l’image. Cela rappelle également que c’est dans les boudoirs et autres recoins de vastes appartements qu’on décide du sort d’une femme qui semble ne pas pouvoir disposer de sa liberté.

Si son destin n’est pas sans rappeler celui d’une Thérèse Desqueyroux, c’est à dire l’emprisonnement et la claustration imposée, la singularité du propos tient dans le personnage même de Maria Adelaide et de son interprète et véhicule. Barroso n’a de cesse de souligner la grandeur de cette femme, qui jusque dans le fond de sa prison continue le théâtre, mettant en place des représentations de fortune entre complices d’emprisonnement. Ce moment du film, outre le renforcement d’un amour pour la scène, représente également le sort dévolue à toutes ces femmes qu’on a caché de la société car jugées comme différentes.

l'Ordre moral
L’image se reflète dans de nombreuses fictions, notamment Le bal des folles de Victoria Mas, roman narrant l’histoire de ces filles, femmes, épouses, confiées aux « bons soins » du docteur Charcot et de l’hôpital de la Salpétrière. Ces institutions étaient alors des lieux où se retrouvaient contre leur grès bons nombres de femmes issues de milieux aisés, qui avaient le mauvais goût d’être différentes : excentriques, nullipares, lesbiennes. L’ordre moral rappelle que cette réalité s’impose encore dans ce premier tiers du XXème siècle où la bienséance et l’emprise du patriarcat sont encore omnipotents.

La performance de Maria de Medeiros est dès lors des plus éloquentes. Par sa retenue, son art, et la hauteur de son verbe, elle s’impose comme lucide et forte face à un aréopage d’hommes fats et sûrs de leur pouvoir. Cette histoire est aussi la preuve d’une première victoire avec la libération de Maria Adelaide, obtenant grâce au Droit la possibilité de regagner sa vie et de fuir l’asile. Si elle semble toujours lucide sur les gens qui l’entourent, que ce soit son mari qui l’enferme, ou cet amant dont les motivations sont très loin d’être claires et pures, le seul fait de disposer de son temps comme elle le désire surpasse toute autre considération.

L’alliance du talent de celui qui sait regarder, le metteur en scène, et de celle qui donne vie à une figure forte, explique toute la réussite de l’Ordre moral. L’œil de Mario Barroso magnifie la déjà sublime Maria de Meideros, conquérant nos émotions, que ce soit dans la moiteur d’une chambre à coucher, ou dans la sécheresse d’un bureau de directeur de prison.

Bande-annonce

30 septembre 2020 – Dee Mário Barroso, avec Maria de Meideros, Marcello Urgeghe et João Pedro Mamede.




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