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L’EXTRAVAGANT MR DEEDS

Martin W. Semple s’est tué dans un accident de voiture, léguant son immense fortune à un neveu qu’il n’a jamais vu. La haute société new-yorkaise est en émoi ! Qui est donc ce Longfellow Deeds, jeune homme naïf un tantinet loufoque, qui joue du tuba et écrit des vers pour la plus grande joie des habitants de sa bourgade Mandrake Falls ? Comment ce célibataire ultra-convoité, sollicité par toutes sortes d’aigrefins, va-t-il s’acclimater à la ville qui ne dort jamais ? Les reporters traquent le scoop mais la délicieuse Babe Bennett a choisi la meilleure tactique pour approcher Deeds…

NE PAS SE FIER AUX APPARENCES

Frank Capra ! Un nom dont la simple évocation donne le sourire tant ses films sont appréciés depuis des décennies des cinéphiles mais pas seulement. Au même titre qu’Ernst Lubitsch ou Howard Hawks, le cinéaste a donné ses lettres de noblesse à la comédie américaine, en tout cas à l’une de ses branches : la screwball comedy, avec son film de 1934 New York Miami, considéré comme le premier représentant significatif du genre. Un film qui a d’ailleurs remporté un succès phénoménal en salles et le premier à avoir remporté les cinq principaux Oscars (Big Five).

Difficile donc pour Capra de rester à la hauteur d’un tel succès. C’était sans compter sur le talent de son scénariste attitré, Robert Riskin – c’est leur cinquième film ensemble – qui trouve une matière intéressante dans une nouvelle publiée sous forme de série dans la presse.

L’Extravagant Mr. Deeds donne l’occasion à Capra, non seulement de laisser libre cours à son sens de la comédie, mais aussi d’y ajouter un message. Car le film colle à son époque. En 1936, on est encore en plein dans la Grande Dépression. C’est une des richesses du film de s’octroyer, l’espace d’une scène, un écart réaliste : un homme de la rue (titre d’un autre film de Capra de 1941) débarque chez Deeds et le prend violemment à parti en lui expliquant qu’il a tout perdu et qu’il a besoin de travailler. L’événement provoque chez Deeds une prise de conscience, et le décide alors à utiliser sa fortune pour sortir le plus de gens possible du chômage. Une idée qui ne va pas plaire aux avocats qui gravitent autour de lui, lesquels provoquent un procès en mettant en question sa santé mentale.

La fameuse scène de procès, qui occupe le dernier quart du film, est une démonstration de pure bravoure. En effet, Deeds refuse de faire appel à un avocat pour se défendre, et reste muet face aux accusations. Une décision suicidaire dure à vivre pour le spectateur ! Inutile de spoiler ici, on retiendra surtout à quel point cette scène incarne l’idée même d’efficacité narrative et cinématographique. Sans parler du fait qu’elle a fait entrer deux mots dans le dictionnaire anglais : pixilated (une personne déséquilibrée mentalement) et doodle (gribouiller) !

Extravagant Mr Deeds

Dans le rôle d’un naïf en apparence, qui se révèle plutôt coriace et intelligent, Gary Cooper est parfait de décontraction et d’ardeur. Face à lui, la charmante Jean Arthur trouve ici son premier rôle d’envergure et déploie toute l’intensité de son jeu avec sa voix hors du commun. Les seconds rôles sont parfaits, mention spéciale à Lionel Stander (soixante-quatre ans de carrière !!).

Un monde meilleur

Conte humaniste mais aussi pamphlet contre la société capitaliste américaine, L’Extravagant Mr. Deeds est le premier d’une série d’œuvres dans lesquelles Capra rêve d’un monde meilleur, un thème qui sera repris notamment dans Monsieur Smith au Sénat (1939) et La Vie est belle (1946). Il est remarquable que, dans un système aussi verrouillé que celui d’Hollywood dans les années 1930, un cinéaste comme Capra ait su conquérir une totale liberté artistique et mettre son nom en haut de l’affiche, ce qu’il a fait suite au succès populaire et critique de ses films, bien des années avant la fameuse « politique des auteurs » défendue en France dans les années 1950.

Réédité le 16 mars par Wild Side en DVD et Blu-Ray, L’Extravagant Mr. Deeds nous revient dans une très belle copie assortie de suppléments intéressants, notamment une analyse du film par l’historien du cinéma Christian Viviani. L’occasion de se replonger avec délice, ou de découvrir, ce trésor de l’âge d’or hollywoodien qui a permis à Frank Capra de décrocher un deuxième (et avant-dernier) Oscar du meilleur réalisateur !


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