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L’EMPIRE DU SILENCE

Depuis vingt-cinq ans, la République Démocratique du Congo est déchirée par une guerre largement ignorée des médias et de la communauté internationale. Les victimes se comptent par centaines de milliers, voire par millions. Les auteurs de ces crimes sont innombrables : des mouvements rebelles, mais aussi des armées, celles du Congo et des pays voisins… Tous semblent pris dans un vertige de tueries, pour le pouvoir, pour l’argent, pour s’accaparer les richesses du Congo en toute impunité, dans l’indifférence générale. Parcourant le Congo caméra au poing depuis trente ans, Thierry Michel a été témoin des combats, des souffrances mais aussi des espoirs du peuple congolais. Relayant le plaidoyer du Docteur Mukwege, prix Nobel de la paix, et dans la continuité de son précédent film L’homme qui répare les femmes, il retrace les enchaînements de cette impitoyable violence qui ravage et ruine le Congo depuis un quart de siècle.

Critique du film

L’empire du silence s’ouvre sur le discours que fit le docteur Denis Mukwege, lorsqu’il reçut le Prix Nobel de la Paix en 2018. Ce gynécologue et militant des droits de l’homme, surnommé « l’homme qui répare les femmes », rappelle durant son intervention que le Congo fait partie des pays les plus riches du monde par rapport à ses ressources naturelles, mais que sa population est l’une des plus pauvres de la planète. Car ce pays fait l’objet d’un pillage systématique de des richesses minières : or, coltan, cobalt, uranium… Depuis 1993, le Congo est le théâtre de massacres, d’exactions, crimes de guerres et crimes contre l’humanité connus des Nations Unies, mais scandaleusement passés sous silence pour des raisons de profit et de politique. Aucune juridiction internationale ou cour africaine de justice n’a poursuivi les auteurs de ces faits, alors que des noms de coupables ont été répertoriés. 

Thierry Michel tient une chronique cinématographique de l’histoire du Con Zaïre depuis plus de vingt-cinq ans. A travers une série de films sur ce pays, L’Empire du silence étant le onzième, le réalisateur belge a abordé plusieurs thématiques : l’histoire, l’économie, la géographie, le post-colonialisme, le viol comme arme de guerre. C’est lors de son précédent opus, consacré au docteur Denis Mukwege, que Thierry Michel a pris conscience de la tragédie vécue par la population congolaise et a décidé du sujet à donner à son nouveau documentaire. 

En 1994, au Rwanda a lieu le génocide des Tutsi par des Hutu – certains sont contraints de le faire, sinon considérés comme traîtres et massacrés eux-mêmes. Huit-cent-mille personnes sont tuées en trois mois. Par peur des représailles, des Hutus fuient à l’est du Congo et sont pourchassés. Commence alors une guerre effroyable avec son lot d’atrocités : enfants soldats, réfugiés utilisés comme boucliers humains, viols systématiques utilisés comme armes de guerre, massacres sans distinction de toute une population qu’il s’agisse de vieillards, de femmes enceintes ou de bébés. Ces faits vont être perpétrés durant de longues années. 

Le 17 juillet 2018 commence officiellement le Rapport Mapping, initié par le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, a pour objet de répertorier les crimes commis entre 1993 et 2003 en République Démocratique du Congo. Trente trois experts ont enquêté dans ce pays. Les conclusions sont effroyables : 617 cas de violations des droits de l’homme sont rapportés. 1280 témoins ont été entendus, 1500 documents, certains confidentiels, ont été analysés. Mais, à l’heure qu’il est, ce document, qui comporte une liste nominative des principaux criminels de guerre, dort dans les archives ou coffres forts du Haut Commissariat des Nations Unies à Genève.

Ce documentaire, édifiant, choquant par la mise en lumière du silence de la communauté internationale, constitue bien sûr un document indispensable. Thierry Michel lui-même en parle de la façon suivante : « Mon film doit réveiller les consciences. C’est un cri et un appel à la justice ! ». L’Empire du silence comporte des archives absolument inestimables – certaines images sont assez dures, on s’en doute – dont beaucoup sont inédites, des témoignages de réfugiés, journalistes, avocats, représentants des Nations Unies, etc. L’approche, à la fois historique et pédagogique, claire, circonstanciée et détaillée donne toute sa force à ce film qu’il faut voir et faire découvrir. Afin de ne pas oublier, de faire connaître la souffrance d’un pays et de contribuer à ce qu’un jour justice soit faite et que plus jamais le silence ne recouvre, n’étouffe une vérité extrêmement dérangeante et terrifiante. 

Le documentaire est associé à la campagne #JusticeForCongo, dont le but est de faire juger les responsables de crimes de guerre et de faire reconnaître le droit des victimes congolaises.

Bande-annonce

16 mars 2022 – De Thierry Michel




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