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L’AVENTURIER

Plus jeune, le fougueux Etienne Ranson quitte sa famille pour la Tunisie où il fait fortune sur une mine de sel. Après un incident qui le rend persona non grata dans son pays d’accueil, Etienne retourne à Grenoble où il est froidement accueilli par son entourage. Son oncle, en particulier, lui reproche son départ précipité.

Critique du film

Réalisé en 1934 par Marcel L’Herbier, L’Aventurier constitue la troisième adaptation et dernière en date d’une pièce d’Alfred Capus, écrite en 1910. Cet auteur, un peu oublié de nos jours malgré son appartenance à l’Académie Française, écrivait des pièces de boulevard assez critiques envers la bourgeoisie de son époque. Marcel L’Herbier, quand il adapta cette œuvre de Capus, y ajouta des éléments comme les mouvements sociaux caractéristiques de la France des années 1930.

Le film débute dans la moiteur tunisienne et une ambiance tendue de révolte, à laquelle s’ajoute une tension érotique entre le personnage de Ranson, qui cherche à vendre sa mine de sel et la femme du futur acquéreur du terrain. Ranson, interprété par Victor Francen, grand acteur belge révélé au théâtre par Lucien Guitry et au charisme remarquable, constitue un personnage d’aventurier intrépide et cynique, inspiré pour certains traits par Henry de Monfreid, qui après avoir soldé son terrain en Afrique du Nord, décide de revenir en France chez son oncle. Mais après avoir disparu durant dix ans son retour ne suscite aucun enthousiasme. D’autant plus qu’un scandale ne tarde pas à éclater compte tenu de la façon plutôt brutale avec laquelle Ranson a maté la révolte en Tunisie. Dans sa propre famille, il devient persona non grata.

Autour de Victor Francen, impérial en aventurier à priori immoral, mais peut-être plus sympathique et estimable que tous ceux qui l’entourent, on compte Gisèle Casadesus, dans son premier rôle, Blanche Montel, au jeu très naturel et moderne ou Abel Tarride, savoureux en oncle de Ranson. Le film dépeint une certaine bourgeoisie et une classe politique qui font l’objet d’un joli jeu de massacre, attaque en règle d’une catégorie sociale hypocrite et prête à retourner sa veste, plus prompte à écouter l’opinion publique que sa conscience. 

Marcel L’Herbier fit beaucoup pour défendre et faire évoluer le statut de metteur en scène, profession qu’il voulait voir considérée comme celle d’un artiste, d’un créateur et pas uniquement comme celle d’un exécutant. Il souhaitait que le réalisateur soit autant considéré que le scénariste d’une œuvre ou son producteur. Ce combat syndical, cette habitude de lutter pour ses droits et sa dignité professionnelle ont peut-être incité L’Herbier à intégrer dans L’Aventurier des éléments liés au combat pour défendre son  travail, ses acquis, thème absent de la pièce originale. Les événements qui se déroulent dans la fabrique de l’oncle de Ranson, vont constituer un révélateur qui éclaireront d’un jour nouveau la personnalité de Ranson. 

Bénéficiant de gros moyens pour ce long métrage, le réalisateur laisse voir à chaque instant son souci de la réussite formelle ; costumes, cadrages, mouvement de caméras, toute la maîtrise de Marcel L’Herbier et son soin du détail sont palpables dans ce très beau film, issu d’une période de ce réalisateur pas toujours considérée à sa juste valeur parfois mais qui mérite d’être redécouverte. Cette œuvre moderne et d’une richesse thématique inouïe ressort le 20 juillet dans un combo Blu-Ray / DVD édité par Pathé et qui offre un très beau supplément, constitué d’entretiens avec des historiens du cinéma. 


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