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L’ADOLESCENTE

En 1939, Marie, petite Parisienne, vient passer ses vacances dans un village d’Auvergne auprès de sa grand-mère qui lui voue une grande tendresse. Elle découvre sa féminité et se prend de passion pour un jeune médecin juif qui lui préfère sa mère.

Critique du film

Pour son deuxième film en tant que réalisatrice, remis sous les projecteurs à l’occasion du Festival Lumière 2022, Jeanne Moreau remonte le cours du temps et replonge dans ses souvenirs pour dépeindre la fin de l’innocence d’une jeune fille de 12 ans durant l’été qui précède l’entrée de la France dans la Seconde Guerre Mondiale.

Si L’Adolescente n’est pas réellement un récit autobiographique, on y retrouve beaucoup de concordances avec l’enfance de Jeanne Moreau, tout particulièrement à travers le personnage de la grand-mère, interprétée par Simone Signoret, très fortement inspirée de celle de la réalisatrice, chez qui elle passait des vacances et qui lui apprit beaucoup de choses sur la vie. La jeune Jeanne avait par ailleurs un âge proche de celui de Marie, l’héroïne du film, au début de la guerre, et a donc elle aussi vécu cette correspondance entre la fin de l’insouciance de son enfance et celle du monde frappé par la violence.

Le film est sous-tendu par cette fin d’insouciance concomitante. Il commence avec l’entrain de l’enfance, bercée de rires, d’amour, de douceur, de soleil et va basculer progressivement vers plus de dureté, d’épreuves, de nuit. Marie débute son été en s’amusant avec des amis de son âge puis se confronte de plus en plus au monde des adultes et à sa brutalité, vit les premiers bouleversements de ses sentiments tout autant que de son corps. Jeanne Moreau filme avec beaucoup de tendresse et de pudeur cette évolution, sans jamais minimiser par un regard d’adulte le trouble vécu par son héroïne, mais plutôt en se mettant à sa hauteur. Elle l’entoure par ailleurs de nombreux personnages féminins, en particulier sa mère et sa grand-mère, qui chacun avec son histoire vient accompagner la transition de Marie.

En parallèle, Jeanne Moreau a à cœur de filmer les derniers moments d’une époque qui va disparaître avec la Seconde Guerre Mondiale, à travers la vie d’un village qu’elle situe au milieu des volcans éteints de l’Auvergne. On sent dans chacun des plans qui captent les détails de leur quotidien, l’amour qu’elle porte aux habitants de ce village (en particulier au cours d’une très belle séquence d’introduction). Elle est également attachée aux superstitions et croyances qui n’ont pas encore totalement été balayées par la vie moderne, et qu’elle utilise pour donner à son film des allures de conte. Cela passe autant par la magie du filtre d’amour auquel veut croire la jeune Marie pour réconcilier ses parents, que par les nombreuses séquences en nuit américaine à la lumière presque irréelle, ou encore le recours à la voix off (d’autant qu’elle est assurée par la voix si particulière de Jeanne Moreau elle-même). Cette ambiance de conte renforce encore plus la violence, qu’elle vienne du monde des adultes ou de l’imminence de la guerre, lorsque celle-ci survient.

Porté par un casting impressionnant formé par de nombreux futurs grands-noms du cinéma et du théâtre français, le deuxième film de Jeanne Moreau est un beau récit initiatique au féminin, juste, sensible, ne minimisant jamais la difficulté de cette transition si importante dans une vie, doublé d’un regard nostalgique sur une époque révolue, balayée par la violence de la guerre.


Festival Lumière 2022


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