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KILL IT AND LEAVE THIS TOWN

Le personnage principal ayant perdu ceux qui comptaient le plus pour lui, il tente d’échapper au désespoir en se cachant dans un endroit sûr et rempli de souvenirs. Au fil des ans, une grande ville se forme dans son imagination. Des héros issus de la littérature et des dessins animés de son enfance viennent la peupler sans y avoir été invités. Quand le protagoniste découvre qu’ils sont tous devenus vieux et que la jeunesse éternelle n’existe pas, il décide de retourner à la réalité.

Critique du film

Sur une feuille de papier, Mariusz Wilczyński dessine les contours grossiers d’une ville sordide sous l’emprise communiste, où cohabitent les fantômes de son passé et les personnages de son enfance. Kill it and leave this town est un projet vieux de 14 ans, et tire de l’apparente naïveté de l’animation une véritable force provocatrice et dévastatrice. 

Mariusz Wilczyński s’inscrit dans un héritage bien ancré du cinéma d’animation polonais, plus formaliste, mais aussi plus sombre et nihiliste que son pendant occidental. Le papier froissé et les traits imparfaits confèrent au film une noirceur âcre et dérangeante. Les visages sont grotesques, obscènes même, et se métamorphosent sous nos yeux à mesure que la feuille se remplit. Kill it and leave this town sonne comme un cauchemar fébrile qui fonctionne avec sa propre logique interne, et dans lequel on s’accroche aux bribes de réel, entre souvenirs et fantasmes. 

La page vierge construit ainsi l’espace mental de son auteur, qui se déploie dans la ville de son enfance, embrumée par les volutes de fumée des usines. Un refuge malade qui enferme le passé dans l’espoir de le rendre immortel jusqu’à le défigurer. Un microcosme où les aiguilles tournent à l’envers, mais qui est pourtant sans cesse rattrapé par le temps et la mort. Le film se construit sur un équilibre tangible entre le beau et le laid, recréant les tendres souvenirs d’une mère qu’il viendra briser par l’image indélébile de son corps flétri et putride. Les contours grotesques accentuent l’aspect organique du film, où le corps est mangé par le temps dans un monde qui se rêve intemporel. Mariusz Wilczyński brasse ses souvenirs et les met à l’épreuve du temps, décomposant littéralement les figures de son enfance qui n’ont plus rien de rassurantes, telle Minnie devenue une vieille femme fatiguée et décrépie dont le corps tombe en lambeaux. 

Kill it and leave this town résonne de l’angoisse de son auteur, marqué par le regret et la terreur de la mort. Pourtant, derrière la misère dérangeante de son univers se révèlent de véritables instants lumineux, aussi précieux qu’éphémères. L’humanité prend alors les traits d’un navire au milieu d’un océan apaisé, dansant en chair et en os jusqu’au bout du monde. Si l’image ne dure qu’un bref moment avant d’être à nouveau engloutie par les ténèbres, elle évoque avec poésie l’acceptation du deuil, et aussi de l’humanité toute entière. Et c’est sans conteste son portrait de la vie humaine, à la fois totalement belle et totalement laide, qui rend le film aussi bouleversant. 


Présenté en compétition L’Officielle au Festival international du film d’animation d’Annecy




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