KANAL – ILS AIMAIENT LA VIE
Ils aimaient la vie
Deuxième volet de la trilogie d’Andrzej Wajda sur la seconde guerre mondiale, après Génération et avant Cendres et Diamants, Kanal s’ouvre sur des visions impressionnantes de Varsovie en ruines et d’immeubles que des soldats allemands finissent de faire sauter ou de « nettoyer » au lance-flammes. On fait ensuite connaissance avec de jeunes polonais participant à l’insurrection de la ville. Très vite on nous informe qu’il s’agit des dernières heures de ces protagonistes. Les héros eux-mêmes ont pour la plupart conscience qu’ils sont condamnés d’avance.
Kanal offre une galerie de personnages assez atypiques : le personnage de Magriette, femme forte et qui dissimule ses sentiments ou celui du compositeur, qui paraît totalement décalé par rapport à ses compagnons d’armes. Le lieutenant Zadra, loin des personnages habituels des films de guerre, semble rongé par le doute et l’angoisse.
Loin d‘être un film de propagande, Kanal offre une vision très riche de ces personnages qui luttent pour la liberté, mais qui n’en sont pas parfaits pour autant. On ment sur sa vie privée ou sur le déroulement de la fuite, pour sauver les apparences ou pour sauver sa peau. On parle ouvertement de sa peur, de ses faiblesses. Et la détresse de la population civile est rendue avec intensité.
Le film est réaliste dans sa description de la violence mais flirte avec le fantastique avec les scènes dans les égouts envahies par les gaz, la fumée. L’œuvre de Dante est citée par un personnage et c’est effectivement une véritable descente aux enfers qui nous est contée ici. Celle d’une population prise au piège et qu’on ne vient pas secourir. Et celle d’une jeunesse sacrifiée. Cet aspect de fantastique, d’étrangeté est d’ailleurs soulignée par la musique discrète mais inquiétante de Jan Krenz.
Très beau film sur l’espoir, la lutte et la solidarité , Kanal est une oeuvre écrite et réalisée sans idéalisme excessif mais au contraire avec honnêteté, tant dans sa description de l’âme humaine que dans sa retranscription d’un contexte historique douloureux. Ce film obtint en 1957, le Prix du Jury au Festival de Cannes. Il fait l’objet d’une ressortie en salles depuis le 4 décembre grâce à Malavida qui nous en offre une version restaurée rendant parfaitement hommage à ce film plastiquement superbe. Cet éditeur ressort simultanément en vidéo Cendres et diamants, autre film de Wajda sur cette période historique.