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JOYLAND

A Lahore, Haider et son épouse cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Le jour où il déniche un petit boulot dans un cabaret, il tombe sous le charme de Biba, danseuse sensuelle et magnétique. Alors que des sentiments naissent, Haider se retrouve écartelé entre les injonctions qui pèsent sur lui et l’irrésistible appel de la liberté.

Critique du film

Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, le pakistanais Saim Sadiq prolonge le geste inauguré dans Chérie (2019) , film court où l’on trouvait déjà les motifs de la trans-identité et de la danse dans des cabarets érotiques de la ville de Lahore. Le sujet est d’autant plus remarquable qu’il est inclus dans une thématique plus globale autour de la famille, au sein d’un pays musulman perclus de traditions très conservatrices. Haider est un personnage singulier : avant même que ne percent des sujets plus complexes, il est présenté comme un homme au foyer. Au sein de sa maison, il fait office d’assistant pour sa belle-sœur, Haider élève les enfants, prépare à manger, sa femme, employée, remplissant la tâche habituellement dévolue au mari dans une société fondamentalement patriarcale. Cette première particularité permet à l’auteur de prendre des chemins ambitieux dans l’écriture de son intrigue.

De ce point de départ inhabituel, Saim Sadiq choisit d’aller explorer l’univers très inattendu de la danse masculine et érotique des bas-quartiers de Lahore. En s’extirpant du carcan familial, Haider libère une sexualité et une différence qui tranchent avec le rigorisme d’une vie jusqu’ici dévolue à la famille et aux valeurs traditionnels. Dans Joyland, chaque scène rappelle l’écart existant entre le devoir, les codes à respecter, mais aussi les pulsions et les désirs. Haider se retrouve ainsi inadapté à la vie en communauté, que ce soit chez lui ou dans cette famille d’adoption qui le rejette très rapidement.

Joyland
Sa relation avec Biba est le témoin de sa difficulté à penser à sa place dans la société. Une scène magnifique montre Haider avec Biba au moment d’une scène d’amour. L’incompréhension autour de la nature de l’identité de genre de la danseuse est le témoin de la complexité dans laquelle se déroule l’histoire. Clandestine et méprisée, cette communauté a bien du mal à être consciente d’elle-même, reprise constamment en main par les traditions et un appel au statu-quo. Si la démarche d’Haider est une aventure courageuse et émancipatrice, elle est aussi un acte destructeur, provoquant le drame et le basculement dans le tragique dans un dernier acte où chaque membre de la famille perd le contrôle de sa vie.

Joyland, le nom du parc d’attraction du quartier où se déroule le film, est en cela une métaphore du paradoxe au cœur du scénario. Comment se réaliser en tant que personne si on est libre de rien d’autre que de suivre des préceptes verrouillés ? L’audace de ce postulat a été récompensée au dernier festival de Cannes par l’obtention de la Queer palm, prix décerné au meilleur film, toutes sélections confondues, traitant de thématiques propres à la communauté LGBTQIA+. Si le rythme du récit est peut-être trop accéléré dans son final, il n’en demeure pas moins un portrait passionnant et inédit de la société pakistanaise, traçant un sillon qui ne demande qu’à être suivi à l’avenir.

Bande-annonce

28 décembre 2022 – De Saim Sadiq, avec Ali Junejo, Alina Khan et Rasti Farooq.




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