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JE VEUX JUSTE EN FINIR

Un road trip dans lequel Jake emmène sa petite amie pour lui présenter ses parents, qui vivent dans une ferme reculée. Mais après un détour surprise au cours duquel Jake abandonne son amie, la tension et la fragilité psychologique se mêlent à la terreur pure.

Critique du film

Un cyclone, c’est sans doute le terme qui convient le mieux pour qualifier le troisième film de l’auteur et réalisateur américain Charlie Kaufman, Je veux juste en finir. Si le résumé de l’histoire peut tenir en trois lignes, il est bien difficile de contenir en si peu de mots toute la sève de cette expérience singulière. On reconnaît d’emblée le style si particulier de l’auteur d’Anomalisa, tant au niveau de la profusion des thèmes traités, qu’au niveau de la mise en scène qui multiplie les angles de vues, plaçant sa caméra à des hauteurs insolites.

Tout d’abord il est question de temps, notion abstraite qui semble l’être d’autant plus dans Je veux juste en finir. S’il est établi que le temps nous traverse et que la sensation de la linéarité est une construction nous permettant de trouver du sens à la vie, il en est tout autrement pour Charlie Kaufman. Il joue avec cette notion, et par la même occasion avec son spectateur et ses repères. Il prend un malin plaisir à créer de la confusion, baladant ses personnages sur l’axe temporel pour valider ou insister sur un détail. C’est particulièrement criant dès l’entrée de la ferme familiale de Jake. Sa famille est sans âge véritable, ses parents étant présentés selon la scène à un moment ou un autre de leur vie. Plus que toute autre considération, Kaufman semble priser la construction d’un malaise dès les premiers instants.

Les longues scènes de discussions, tout d’abord en voiture, qui sont tels de longs couloirs au milieu du silence de routes fantômes, créent un sentiment de plus en plus dérangeant avec les minutes qui s’écoulent. L’alternance entre les moments d’attente, les introspections en voix off, et les situations absurdes, favorisent cette tonalité très étrange qui colle à la peau de chaque image du film. L’identité même du personnage principal est sujet à caution : elle ne cesse de changer de prénom, épouse celui d’une starlette de fiction télévisée, d’une petite amie passée, sans qu’on sache vraiment où se trouve la vérité définitive si tant est qu’il y en ait une. Le visage même de Jesse Plemons, qui interprète Jake, fermé et différent, ajoute à cette situation qui vire par moments dans le grand guignol.

Je veux juste en finir
On retrouve une autre des caractéristiques de l’écriture de Charlie Kaufman dans le film : une narration qui semble être impactée directement par ses influences. La jeune femme entre dans la chambre d’enfant de son fiancée, y trouvant essais, romans et livres savants éparpillés sur des étagères. Par la suite, chacun de ses éléments soulignés par le regard de la caméra se verra explicité par un dialogue, une séquence, devenant partie prenante de l’intrigue, tel un personnage de fiction à part entière. On retrouve la veine déjà très présente dans un film comme Adaptation, réalisé par Spike Jonze sur un script de Kaufman.

Cet univers méta qui absorbe ses influences pour les régurgiter à l’écran est quasi unique, la marque d’un auteur. Dans Je veux juste en finir, ce mode opératoire est poussé à son paroxysme. Les influences de l’auteur, son bac à sable d’artiste, est matérialisé en temps réel. Si on pense à Gena Rowlands et à Une femme sous influence, une discussion naît dans la voiture, il en est de même pour l’écrivain David Foster Wallace qui est une inspiration majeure du réalisateur.

Charlie Kaufman semble avoir atteint un palier dans la rédaction de ses obsessions, et notamment dans la mise en abîme de ses personnages qu’il déshabille jusqu’à l’os. La déconstruction de ses méthodes d’écriture atteint également un état difficilement dépassable tellement chaque virgule est scrutée, remise en question, et lustrée jusqu’à l’épuisement. L’épisode final, mi remise des prix mi comédie musicale, a tout d’un dernier tour de piste où l’auteur, ayant fini sa démonstration, revient sur scène une dernière fois pour saluer son public.

Bande-annonce

4 septembre 2020 (Netflix) – De Charlie Kaufman, avec Jesse Plemons, Jessie Buckley, Toni Colette et David Thewlis.




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