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IL NOUS RESTE LA COLERE

En 2011, les ouvriers de Ford à Blanquefort sauvent leur usine et ses mille emplois. La joie de la victoire laisse rapidement place à de nouvelles craintes de fermeture. Celles-ci finissent par devenir une réalité, jusqu’à l’arrêt définitif des chaînes de montage en 2020. Il nous reste la colère retrace leur dernière année de combat, dressant le portrait d’un groupe emmené par Philippe Poutou.

Critique du film

Au début de ce documentaire édifiant, les réalisateurs Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert livrent des images d’une manifestation en 2016 contre la loi Travail de Myriam El Khomri. On comprend très vite qu’il s’agit d’un film réalisé face à l’urgence d’une situation qui se dégrade. Une urgence sociale, politique, humaine, liée à un refus du dialogue social dans des situations dramatiques, la violence d’un certain patronat, les luttes syndicales. Tant de sujets ou de mots trop souvent galvaudés ou points de départs de crispations, de différends insolubles. Lorsqu’on est confronté à de telles situations, difficile de ne pas être révolté par les excès d’un capitalisme qui ne prend pas en compte l’humain et qui entraîne des salariés dans des situations où les politiques eux-mêmes ne peuvent ou ne veulent intervenir.

En 2008, un sursis avait permis aux salariés de Ford à Blanquefort de sauver leur usine et leurs emplois. Ford veut abandonner lusine. Le gouvernement propose quil y ait une reprise. Mais les salariés veulent que Ford assume ses responsabilités. Les syndicalistes, dont Philippe Poutou, se battent, se démènent avec courage et dignité pour préserver leurs emplois et mettre Ford face à ses responsabilités. Car les dirigeants de l’entreprise souhaitent un repreneur afin de pouvoir s’exonérer de ses responsabilités et rompre tout contact avec les salariés de l’usine. Chez Ford, on souhaite purement et simplement « rayer l’usine de la carte ».

Les ouvriers se mobilisent, certains plus que d’autres, comme toujours. On voit dans ce documentaire la lutte, le combat des syndicats, parfois unis, même si ce n’est souvent qu’en apparence. On y voit aussi comment la confiance peut se fissurer, que ce soit la confiance envers son patron, envers les politiques et leurs revirements, envers les syndicats ou ses collègues.

Il nous reste la colère

Ce film offre une véritable vision critique et honnête de ce type de situation. On y découvre ou retrouve un Philippe Poutou pas toujours tendre envers les grands pontes de la CGT, décalés par rapport à la base. La fédération semble moins proche des militants que l’Union Locale. Une élue comme la maire de Blanquefort, Véronique Ferreira semble plus proche de ces hommes et femmes pris dans la tourmente qu’un Philippe Martinez ou qu’un ministre comme Bruno Le Maire, dont l’indignation parait finalement plus feinte et calculée que sincère, avec le recul. Les militants sont livrés à eux-mêmes, certains craquent sous le poids de l’émotion et des années de lutte et d’inquiétude accumulées. On sent à chaque instant la violence sociale et la difficulté de ne pas céder au désespoir.

On voit également les gilets jaunes, les dissensions qui peuvent parfois exister entre ce mouvement et les syndicats qui suscitent parfois méfiance et désillusion. Certains élus ou adhérents syndicaux reconnaissent d’ailleurs à ces gilets jaunes de réussir là où ils ont eux-mêmes échoué.

Avec un questionnement légitime et intéressant des deux réalisateurs, verbalisé dans ce film, « témoigner ou venir en aide », Il nous reste la colère contribue peut-être à remplir ces deux missions. Il s’agit en tous les cas d’un document fort, parfois douloureux mais non dénué d’une certaine forme d’espoir qui passe par le combat et l’engagement.

Bande-annonce

7 décembre 2022De Jamila JendariNicolas Beirnaert




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