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HOTEL BY THE RIVER

Un vieux poète, qui loge dans un hôtel au bord d’une rivière, fait venir ses deux fils, pensant que sa fin est proche. Lieu de retrouvailles familiales, l’hôtel est aussi celui d’un désespoir amoureux : une jeune femme trahie par l’homme avec qui elle vivait vient y trouver refuge et demande à une amie de la rejoindre…

Critique du film

Le réalisateur sud-coréen Hong Sangsoo est une exception au sein de la distribution des films en provenance de son pays. Si la côte de popularité des cinéastes coréens est désormais établie, ce en partie grâce au succès critique et public du Parasite de Bong Joonho, il est le seul à voir tous ses long-métrages distribués en France à ce jour. Son 23ème film, Hotel by the river, a pourtant semblé errer et lutter pour arriver jusqu’à nos écrans. Présenté en août 2018 au festival de Locarno, il aura mis presque deux ans pour se frayer un chemin jusqu’à nous. Le parallèle avec la thématique du film est dès lors étonnant. Si HSS n’a de cesse que de questionner son propre rapport à l’art et au cinéma, c’est sans doute la première fois qu’il affronte aussi frontalement le concept de la mort.

Young-Hwan demeure dans un petit hôtel où il dit résider gratuitement, un ami lui rend ce service qui lui permet de se ressourcer et de réfléchir à sa poésie. La métaphore de la mort du vieil homme apparait rapidement comme une évidence, à la fois thématique et stylistique. De l’affiche du film à la photo noir et blanc de Kim Hyungkoo, l’atmosphère semble glacée, presque en stase. L’auteur multiplie les effets de mise en scène renforçant ce sentiment : les personnages semblent disparaître, figures spectrales dédoublées peinant à trouver une cohérence à leurs actes. Areum, jouée par Kim Minhee, ne semble pas pouvoir faire autre chose que dormir et végéter aux côtés de son amie, comme si elle était en attente de quelque chose. La rivière elle-même, jouxtant l’hôtel, est telle une frontière qui séparerait les vivants des morts.

Hotel by the river

Ces thématiques font d’Hotel by the river un objet cinématographique atypique dans la filmographie d’Hong Sangsoo. S’ils s’entourent de certains de ses acteurs fétiches, notamment le toujours excellent Kwon Haehyo (Le jour d’après), il a rarement été aussi sépulcral et pessimiste. La lumière a déserté les échanges, l’acrimonie a encerclé les cœurs. Il ne faut pas se laisser duper par la courtoisie très coréenne des échanges entre les personnages. Le moment où se déroule le film est celui qui intervient après les drames et les tempêtes, mais leurs conséquences sont visibles sur les visages et sur les corps des personnages. Le poète fait son dernier voyage et jette ses derniers mots au monde par l’entremise de brèves rencontres avec les deux femmes qui elles aussi se sont perdues dans ce lieu désolé. Les âmes tourmentées se heurtent brièvement, avant de retourner œuvrer à leurs conclusions.

Hotel by the river
Hotel by the river est un de ces films qui peuvent apparaître comme « mineurs », surtout vu le rythme de travail effréné d’HSS. Il constitue pourtant un maillon intéressant et important qui participe à régénérer et entretenir la passion du maître coréen. Les quelques notes supplémentaires couchées sur la partition déjà pléthorique de cette immense œuvre déployée sur trois décennies donnent le sentiment agréable de retrouver un vieil ami qui nous avait manqué. Ce point est une des grandes qualités de son cinéma fait de boucles et de répétitions : on aime à retrouver le lien créé avec les films d’Hong Sangsoo, et notamment leur poésie unique.

Le rendez-vous est déjà pris, un deuxième film de l’auteur est attendu pour le mois de septembre, créant ces moments d’attente délicieux entre deux projets de ce passionnant metteur en scène.

Bande-annonce

29 juillet 2020 – De Hong Sangsoo, avec Kim Minhee, Ki Joobong et Kwon Haehyo




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