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HANA-BI

À la suite d’une fusillade qui a rendu paraplégique son partenaire Horibe et à la mort d’un jeune policier tué lors d’une arrestation sanglante, Yoshitaka Nishi (Takeshi Kitano), un inspecteur de police violent et imprévisible, quitte la police pour se consacrer à son épouse, Miyuki (Kayoko Kishimoto), atteinte d’une leucémie incurable. Déguisé en policier, il va commettre un hold-up afin de rembourser des Yakuza et partir pour un dernier voyage avec sa femme à travers le Japon.

Critique du film

Après les claques Jugatsu (1990) et Sonatine, mélodie mortelle (1993), Takeshi Kitano signe en 1997 une nouvelle oeuvre majeure, auréolée du Lion d’or à la Mostra de Venise. Il y affirme un style qui lui deviendra propre : la recherche de l’émotion et de l’intensité à travers une économie des procédés habituels du pathos et du sensationnel. Où l’on voit notamment Kitano jouer avec habilité des codes classiques de la narration cinématographique, privilégiant les ruptures de tons elliptiques à un récit frontal et linéaire.

À LA RECHERCHE DE L’INNOCENCE PERDUE

Il y campe un être mutique, en apparence impassible aux malheurs qui accablent son existence et celle de ses proches, traînant son spleen silencieux auprès de personnages hantés par l’emprise de la mort dans leur chair. Loin d’être un signe de résignation passive face à la tragédie à venir, cette tranquillité extérieure manifeste la quête de sérenité, à la fois naïve et touchante, d’un homme ballotté par des courants tumultueux. D’ailleurs, si les quelques excès de violence qui ponctuent le récit semblent aussi soudains et crus, c’est qu’ils détonnent avec ce hiératisme de façade et la profonde tendresse qui motive les actions de Nishi.

Les successions de peintures, réalisées par Kitano lui-même, arborant motifs floraux et couleurs étincelantes, sont peut-être la preuve la plus flagrante de ce souci d’évasion spirituelle par l’art et, plus généralement, par le contentement d’esprit. À ce titre, il n’est pas étonnant que le tournesol, plante hélio-tropique réputée, devienne la figure la plus récurrente d’un film qui s’accroche à la moindre bribe de légèreté. Les scènes les plus facétieuses (et émouvantes à la fois) sont ainsi celles durant lequelles Nishi s’improvise magicien grâce à un banal jeu de cartes, ou s’y reprend à deux fois pour allumer une mèche de feu d’artifice. Lorsque tout autour de soi semble se déprécier et tomber en ruines, le mieux est encore de se moquer des règles d’un jeu qui nous dépasse.

Alors que la première moitié du film fait la part belle à un traitement perturbé de la temporalité (où les flash-backs et flash-forwards brillent autant par leur ingéniosité que par le chaos qu’ils annoncent), la seconde est volontairement contemplative et dévoile l’intimité d’un couple peu habitué aux gestions de crise. On découvre alors deux êtres pudiques qui tentent, malgré les circonstances dramatiques, de retrouver leur âme d’enfant et cueillir le jour comme on cueille une belle fleur, avant que le vent ne l’emporte.

À la fois réalisateur, peintre et acteur, Takeshi Kitano a produit avec Hana-bi son geste artistique ultime, celui où il combine le plus efficacement la violence insensée et insensible du monde des yakuzas et l’introspection élégiaque d’êtres en perdition. Il est un magnifique chant du cygne, lyrique et insondable, cherchant partout où il le peut la solution à ses derniers soubresauts d’émancipation.

Paul Laillier


Disponible sur Cinetek, FilmoTV et UniversCiné


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