critique halloween reboot

HALLOWEEN

Laurie Strode vit depuis 40 ans dans la peur, mais aussi dans l’espoir, que Mike Myers s’évade de prison pour prendre sa revanche. Le tueur psychopathe va s’en prendre à sa famille.

Prendre des vessies pour des citrouilles.

Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Mike Myers, même combat : lorsque l’héritage est riche, il est souvent l’objet de conflits. Pour ses 40 ans, La Nuit Des Masques de Carpenter se fend d’un second reboot après celui de Rob Zombie. Dirigé par David Gordon Green, l’homme à la filmo foutraque de Pinapple Express à Prince of Texas, s’ajoute donc un nouveau défi : faire renaître l’un des tueurs psychopathes qui a marqué l’Amérique et la cinéphilie, voire même la culture populaire. Halloween possède dans sa garde-robe quelques déguisements d’origine sympathiques : le retour de Jamie Lee Curtis dans son rôle iconique de Laurie Strode, et même Nick Castle reprenant la silhouette mastoc de « The Shape ». De quoi passer une bonne soirée des citrouilles en perspective.

Halloween s’applique d’abord à exister par comparaison. Non à son illustre aîné, duquel il n’emprunte le canon que du premier opus de la saga, mais de l’ensemble de la production horrifique contemporaine – son versant grand public, du moins, celle du Conjuring Universe et autres produits dérivés de pop-corn pour ados. David Gordon Green et Danny McBride, au script, prennent le temps de faire renaître le mythe Myers. Le procédé fonctionne à l’image, preuve en est d’une introduction modèle, grinçante, simple, efficace, brisant les murs invisibles qui séparent la bête de ceux qui vont la contempler, explicite à la fois pour les vieux de la vieille comme pour les nouveaux venus. Il fonctionne moins dans le dialogue, trop poli et trop respectueux de l’oeuvre de Carpenter lorsqu’il la cite directement. Heureusement, la parole n’est pas qu’une machine à souvenirs : elle devient ici l’occasion pour une nouvelle génération de prendre le relais.

Do you remember – the 31st night of October

Voilà toute la dichotomie au centre du premiers tiers d’Halloween : les vieux qui savent, qui étaient là du temps où Laurie Strode échappait pour la première fois aux griffes du boogeyman, contre les jeunes qui ne savent pas, bien trop occupés à regarder leurs nouvelles idoles – eux-mêmes. Ici se soupèse le mérite de Green et McBride, teinté d’opportunisme : 40 ans, ça ne fait pas une, mais deux générations. Laurie Strode a depuis longtemps troqué son costume de victime contre celui d’un revenge sans rape qui tarde à se concrétiser, à grands coups de fusil à pompe et système de sécurité anti-slasher (assez amusant, ce dernier, d’ailleurs). Sa fille Karen (Judy Greer) en hérite la paranoïa latente avant de l’abandonner sur l’autel des traumas exorcisés. Allyson (Andi Matichak), dernière branche de l’arbre généalogique, n’a plus grand chose à voir avec les histoires sordides de sa grand-mère. Une insouciance justement et drôlement soulignée dans Halloween, lorsqu’un vague pote de lycée ose, dans une certaine forme de sagesse abrutie : « Elle s’est fait agresser par un type, il a été appréhendé par la police et enfermé en prison. Rien de bien extraordinaire là-dedans ». À l’heure où Kanye West poste des giga-selfies « Make America Great Again » et où Macron devient un meme angoissant dès qu’il lave les pieds des pauvres, on a certes vu plus juteux.

Mine de rien, par des chemins de traverse et une dose certaine de poudre aux yeux, Halloween parvient à recréer les conditions de son modèle original. Le temps a passé ; la fête des morts est redevenue une fête commerciale et n’inspire plus chez personne une quelconque vraie frousse. Ainsi Michael Myers, figure éternelle du frisson de l’inconnu, réunit les conditions de sa libération : puisque plus personne ne le craint, il peut tuer à nouveau. À ce moment, on se dit que Halloween a tout réussi. Le réalisateur noue les cordes communes entre les sociétés de 1978 et 2018. Allyson, sa nouvelle archange de l’innocence, est prête à monter sur l’autel des sacrifiés. Le sang a déjà coulé, beaucoup plus explicitement que chez Carpenter, mais les scènes sont réussies. Sales à souhait. Les corps sont roués de coups bruts, les visages sont déchirés. Green ne prend aucun plaisir malsain à filmer ces exécutions, mais cherche plutôt à se débarrasser de tout ce qui est superflu – à traduire, tout ce qui ne possède pas de Strode dans les veines. Myers peut enfin se venger de cette Laurie et de tous ses descendants qui l’ont empêché de terroriser le monde, révélant et décortiquant son visage une exposition médiatique après l’autre, une suite de film après l’autre, un masque Made In Taïwan au rabais acheté chez La Foir’ Fouille après l’autre. Le massacre peut commencer. On l’attend toujours.

Halloween, c’est une bête commerciale

Si cette première partie d’Halloween pourrait encore être disséquée, analysée, étendue des paragraphes durant, le reste du film va rapidement être expédié. Les Strode finissent par se réunir en un endroit lugubre, font des petits groupes de un, marchent très lentement pendant que la caméra cherche vainement le meilleur angle pour lâcher du jumpscare, avant de retourner platement la vengeance et de se foutre d’à peu près tout. Après un soin minutieux à recréer son diorama sans perdre la valeur des deux époques qu’il cherche à concilier, le film s’écrase dans la récitation du dictionnaire du parfait film d’horreur à marketer, dans l’ordre alphabétique, prononciation bête et méchante des syllabes et énonciation scolaire des exemples imprimés. Une horreur, bardée des plus basses incohérences d’action, des stupidités de comportement de base, des évidences d’images et de mise en scène.

Surtout, Halloween devient affreusement et irrévocablement muet. Vide de sens, vide d’action, limité à une intrigue de personnages de fiction, plus rien n’en émane. Plus une analyse qui vaille. Plus de fond sur lequel débattre, bien ou mal amené, pertinent ou non. Plus rien. Si ce n’est trois répliques à la con faites pour être exorcisées à haute voix en allant pisser en sortie de salle, un rire nerveux, « ouais », « héhé », « ahem », « sans quoi lundi ça s’est bien passé ta réunion ? », et pouf, le film est oublié. Alors, deux solutions. Soit, dans le petit cocon du film de genre, notre époque n’a plus rien d’autre à énoncer que le prisme de son attachement à ses vieilles idoles. Dans ce cas, c’est triste, c’est grave, et c’est surtout faux, puisque d’autres ont su, ces dernières années, parler de notre société par le biais de l’épouvante. Soit, option cochée par défaut, Halloween a juste été feignant passé la mise en place de son petit manège. Et l’argument du parodique, on repassera, merci. Nous voilà devant Halloween comme pendant Halloween : on y participe volontiers un petit moment, bon esprit, avant de se rendre compte que c’est quand même, au fond, un sacré truc de blaireau.

La fiche
critique reboot halloween

HALLOWEEN
Réalisé par David Gordon Green
Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer, Andi Matichak…
États-Unis – Horreur

Sortie : 24 octobre 2018
Durée : 109 min




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