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GLASS

La fiche

Réalisé par M. Night Shyamalan  – Avec James McAvoy, Bruce Willis, Samuel L. Jackson
Etats-Unis – Science-fiction – Sortie : 16 janvier 2019 – Durée : 129 min

Synopsis : Peu de temps après les événements relatés dans Split, David Dunn – l’homme incassable – poursuit sa traque de La Bête, surnom donné à Kevin Crumb depuis qu’on le sait capable d’endosser 23 personnalités différentes. De son côté, le mystérieux homme souffrant du syndrome des os de verre Elijah Price suscite à nouveau l’intérêt des forces de l’ordre en affirmant détenir des informations capitales sur les deux hommes…

La critique du film

Si Glass est une grosse attente c’est tout d’abord un film de chiffres. Un troisième film, ultime volet d’une trilogie, intervenant 19 ans après le premier opus Incassable, doté d’un budget de 20 millions de dollars, soit deux fois plus que son prédécesseur, Split, qui avait ravivé cette histoire, et fait un joli succès au box-office mondial avec plus de 278 millions d’entrées. Ces données sont une des explications, certes purement comptables, de l’intérêt qui ourle le projet, deux ans seulement après Split. Au delà de ces considérations financières, Glass est l’aboutissement d’une ambition artistique d’une grande cohérence : le projet de M. Night Shyamalan est de prolonger son geste inaugural datant de 2000, qui préfigurait l’arrivée en masse des films issus de comic-books de super-héros, tout en étant un contre-pied total.

« Un ancrage fort dans le réel »

La trilogie du réalisateur du Sixième sens a cela d’unique de prendre racine dans un univers très réel. Ses personnages, Bruce Willis au premier chef, n’ont rien d’extraordinaire de prime abord. C’est un père de famille classique, sans aucune prédisposition apparente jusqu’à sa rencontre avec le mystérieux Mr. Glass qui le « crée » littéralement, le révélant à lui-même et ses capacités. Ce manipulateur hors pair est aussi celui qui introduit le premier la bande-dessinée comme socle de la réflexion de cette histoire et aussi son moteur, son âme. Pour lui, ces histoires ne sont que le reflet de ce qui se tapit au cœur même de l’humanité, un truchement de ce qu’elle a de plus incroyable. Glass se pose en tant que démiurge, super-vilain, stratège, il incarne tour à tour tous les rôles, jusqu’à celui d’anti-héros, qu’on ne peut pardonner mais qui fascine par son influence sur le monde et son entourage. Cette ligne presque naturaliste fascine dans chaque film de la franchise : tout semble proche, palpable, loin des excentricités des films Marvel ou DC, plus enclins à la surenchère d’effets visuels et de démesure pyrotechnique.

Le film Glass renforce encore ce trait en explorant la possibilité d’une arnaque : le trio composant le cœur de l’intrigue, James McAvoy étant le dernier ajout, ne serait que trois hommes normaux, déguisant la réalité pour mieux la vivre. En somme des personnes malades qui doivent être soignées en hôpital psychiatrique. La rigueur dans le développement de l’intrigue, d’une grande cohérence artistique, est sans doute la plus grande qualité du film. Si l’on devait choisir une image pour illustrer ce propos, on pourrait voir dans cette histoire un parfait exemple de ce qu’était le comic-book de super héros de l’âge d’or (de 1938 à 1960). Des personnages costumés sobrement, avec peu de pouvoirs (le film rappelle que le premier Superman de 1938 ne volait même pas), raconté en peu de cases et avec peu d’effets. On retrouve ici cette sobriété, une aridité qui sacrifie au « sense of wonder » pour privilégier l’humain et l’intrigue, la rencontre de ces personnages composant des faces d’une même pièce. En ce sens, le film est une réussite, remplissant ses objectifs.

« Une émotion malheureusement presque inexistante »

Le souci de cette approche très radicale, au sens propre car Shyamalan revient à la racine du mythe super-héroïque, est l’absence presque totale de surprise et de variation de rythme du film. Si la démonstration est belle et se tient sans départir de sa ligne de conduite, elle peine ne serait ce qu’à provoquer la moindre petite émotion.

Glass est un film qui finit par perdre le spectateur à force de trop vouloir développer sa sobriété. Le comble est que le plan machiavélique et structuré de Mr. Glass n’arrive pas vraiment à générer le fameux « twist » à tiroir dont est coutumier l’auteur depuis son premier film et qui a fait sa réputation depuis plus de vingt ans. Il a beau clamer que c’est une histoire d’origines, un commencement, et non pas une rencontre grand guignolesque à grand renfort de coups de poing et d’éclats spectaculaires, on finit malgré tout par s’ennuyer dans les méandres de ce schéma de maître. À vouloir être trop théorique et intellectuel, Glass perd en spontanéité, en émotion brute.

Un des aveux de faiblesse du film tient dans le fait, notamment, que les moments les plus épidermiques sont ceux qui concernent les deux personnages issus de Split, Kevin Crumb et Casey, la jeune femme épargnée par la horde composite du vilain de cette histoire. Leur lien, et les réminiscences de ce qui avait été développé auparavant, sont presque les seuls éléments qui arrivent à connecter à l’action, à créer des frissons. Mais cela demeure bien maigre devant les soliloques d’un Samuel Jackson qui recycle ses discours déjà entendu dans Incassable, et qui ne vibrent plus beaucoup.

Glass détonne.

Entre virtuosité théorique et platitude émotionnelle, il est difficile de condamner le film, tout autant que de l’encenser comme une pure réussite de mise en scène. En l’état, il reste une relative déception, tellement le projet était beau après la relance représentée par Split et la galerie de personnages développée par un James McAvoy habité et particulièrement juste.

Glass est un film qui détonne et ne ressemble à aucun autre film du genre, privilégiant la réflexion et la parole à l’action qui contamine trop de films de héros en collants. Malgré tout, si Shyamalan est un grand connaisseur de comics, il a oublié en cours de route que ces illustrés sont avant tout des objets de divertissement, et que tout le monde n’a pas le talent d’Alan Moore (créateur britannique de Watchmen) pour allier réflexion et aventure fantastique et ludique, ce que ne réussit pas totalement la pourtant très ambitieuse conclusion de ce cycle de films.



Présenté en avant-première dans la capitale française, et notamment une soirée spéciale à la Cinémathèque française.


La bande-annonce




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