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GIANTS BEING LONELY

Adam, Bobby et Caroline sont en classe de terminale dans le lycée d’une bourgade semi-rurale du sud des États-Unis. Ils essayent de trouver un sens à leur morne existence, entre les hauts et les bas de l’amour, le sexe, la solitude, l’amitié, le baseball et la mort. Tous sont aussi en quête de reconnaissance. Mais de fortes tensions commencent à voir le jour, qu’il faudra bien évacuer… 

Critique du film

Premier long-métrage de son réalisateur venu tout droit de l’art contemporain, Giants Being Lonely s’apparente à une « coming-of-age story », ou récit initiatique, sur trois adolescents projetés dans une Amérique bucolique à souhait, bien éloignée de l’agitation frénétique des grandes agglomérations. Le montage du film vient épouser cette apparente tranquillité d’un quotidien d’abord rythmé par les matchs de base-ball, les baignades dans la rivière et les regards enjôleurs à l’heure de la récréation. La caméra discrète et maligne de Patterson place le spectateur en témoin privilégié de ces pérégrinations oisives, que l’on pourrait somme toute retrouver dans n’importe quelle localité à la marge des pôles urbains. Les dialogues n’y sont pas légions, restent souvent en surface, et les non-dits deviennent peu à peu les principaux vecteurs de sens. 

COLOSSES AUX PIEDS D’ARGILE

Si Giants Being Lonely débute de facto sur le ton d’une chronique suave et mélancolique au cœur d’une bourgade sans histoire, l’on y découvre après coup des jeunes adultes tourmentés par la solitude et l’abandon familial. Les trois personnages centraux, en plus de s’inscrire dans un triangle amoureux qui ne cesse de louvoyer, ont pour similitude d’être chacun l’objet d’un désaveu parental : Caroline ne cesse de se confronter à sa mère, celle de Bobby a fui, obligeant son fils à s’occuper de son père amorphe, Adam est condamné à l’excellence sportive et scolaire sous peine de charges physiques et mentales par son géniteur, que sa femme mutique n’ose jamais contredire. Malgré ces différents domestiques, le trio adolescent se construit à pas feutrés, trouvant un réconfort fugace dans les soirées entre camarades d’infortune et les relations sexuelles parfois à la limite du défendable.

Tranches de vie

Grear Patterson ne tombe jamais dans la rengaine tapageuse et parvient à susciter une myriade d’émotions grâce à un climat visuel et sonore qui se charge naturellement en tension. À ce titre, la bande originale envoûtante de Ben Morsberger et la mise en scène à la fois lyrique et insondable du cinéaste sont indéniablement les pièces maîtresses d’une création à l’intelligence peu commune pour une première. Celle-ci fait en effet le choix audacieux de laisser le spectateur mener de son propre chef l’exploration anthropologique qui viserait à identifier les causes du malaise ambiant. La brutalité du dénouement, qui dénote avec le ton contemplateur du reste du film, pourrait autant signifier la fin tragique de l’innocence à l’orée de l’âge adulte qu’il questionne, sans offrir de réponse pré-conçue, la responsabilité d’un drame à la fois imprévisible et inévitable.

Œuvre réduite (1h18) et étonnamment dense, Giants Being Lonely signe l’avènement d’un jeune réalisateur à l’avenir éminemment prometteur. Non content d’évoquer des héritages ô combien précieux (Gus Van Sant et sa jeunesse en proie aux doutes et à la violence expiatoire, que rencontrerait la poésie métaphysique d’un Terrence Malick), Patterson mêle avec conscience et maîtrise un naturalisme de bon aloi qui saisit les errances en vase clos de ses personnages avec un registre impressionniste, s’emparant à l’envi de certaines tranches de vie pour en soutirer toute la beauté funeste.


En compétition au festival de Deauville 2020


Prochainement – De Grear Patterson, avec Jack IrvineBen IrvingLily Gavin



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