featured_france-lea-seydoux

FRANCE

« France » est à la fois le portrait d’une femme, journaliste à la télévision, d’un pays, le nôtre, et d’un système, celui des médias.

Critique du film

Avec douze films en 14 ans de carrière, Bruno Dumont (Jeanne, Ma loute) est à la fois l’un des plus prolifiques auteurs français, mais aussi l’un des plus singuliers. L’un des premiers aspects qui domine dans son œuvre est la quasi absence d’acteurs professionnels et une volonté forte de représenter une certaine idée de la laideur à l’écran. Ancien enseignant de philosophie, il a toujours défendu cette idée que le regard des spectateurs avait été « poli » pour épouser des représentations du beau façonnées par le prisme du cinéma hollywoodien qui ne tolère pas le laid. Si son cinéma s’est peu à peu transformé, avec notamment un versant plus comique initié par P’tit Quinquin en 2014, on voit apparaître quelques acteurs professionnels dans sa filmographie.

Présenté en compétition officielle à Cannes cette année, France est pour la première fois complètement porté par un casting d’acteurs de renom, avec en première ligne l’omniprésente Léa Seydoux. Elle joue le rôle-titre, une journaliste d’information star qui vit ses reportages comme le ferait une vedette de cinéma, se mettant en scène à travers le monde sur des théâtres d’opérations de l’armée française très dangereux. Le film commence par une forme de manifeste flamboyant de cette femme qui domine à la fois les hommes politiques, mais également toute la sphère médiatique, Après une entrée en scène qui la présente comme une sorte de demi-déesse, il n’est plus question que de descente aux enfers et de destruction du très joli portrait dessiné avec maestria.

Léa Seydoux dans France

Dans son développement, Dumont s’applique à manier l’ironie et le cynisme pour égratigner la vanité des personnes qui composent un univers politico-médiatique complètement hors-sol, instrumentalisant les guerres et malheurs de populations suffisamment lointaines pour qu’on puisse les oublier en deux avions et un décalage horaire. Si le film est porté par une des plus grandes actrices de sa génération, un visage qui est à l’opposé des thèses du réalisateur, le contre point jaillit dans des eaux plus familières avec un modeste livreur renversé par France. Bouleversée par cet accident, elle n’a de cesse que de vouloir racheter sa faute, qui agit comme un révélateur du vide sidéral qu’est son existence complètement factice où l’on boit des cocktails à quelques mètres de combats armées, fonds de commerce d’un système déshumanisé.

Triste France

Dumont insiste bien sur les visages de cette famille de gens humbles, disgracieux et peu éveillés, qui se confondent en excuses devant cette madone qui habite leur petit écran en temps normal. À trop surligner le trait, l’auteur ne réussit pas toujours cet exercice de style très corrosif, qui tourne à vide à trop vouloir moquer et multiplier les sous-histoires, comme celle d’un ancien amant dont France ne veut plus mais qui refuse de se détacher d’elle, avec de grands renforts de larmes. Le film vire trop dans la caricature pour qu’on s’attache véritablement à ce qu’il essaie de nous raconter, le personnage de France, trop abimé, perd au final beaucoup de son intérêt, et la satire s’épuise d’avoir trop usé ses artifices.

Ni totalement raté, ni vraiment réussi, France manque de souffle pour tenir la longueur et ne peut souvent compter que sur la qualité de jeu d’une Léa Seydoux complètement pathétique, notamment dans une scène où elle tente d’embrasser un interprète, qui la repousse piteusement, démontrant une fois de plus le vide de la personnalité de cette femme adulée par des millions de personnes. Cet entre-deux au sein des thématiques de l’œuvre de Bruno Dumont s’incarne donc malheureusement dans le film lui-même, ce qui le charge d’énergies contradictoires et de nombreux regrets pour ce qui aurait pu être un pamphlet passionnant sur notre société de l’information et de la représentation toujours plus fausse du monde.

Bande-annonce

25 août 2021 – De Bruno Dumont, avec Léa SeydouxBlanche GardinBenjamin Biolay




%d blogueurs aiment cette page :