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CHIEN

Freudien

Jacques Blanchot perd tout: sa femme, son travail, son logement. Il devient peu à peu étranger au monde qui l’entoure, jusqu’à ce que le patron d’une animalerie le recueille.

Esprit canin, humour humain.

Deuxième adaptation de ses propres écrits, Chien perpétue la tournure que Benchetrit donne à son cinéma depuis Asphalte. Après avoir sondé la poésie banlieusarde dans un scénario hors du temps, avec une sonorité empreinte de son vécu, il ausculte les affres d’une nature urbaine et tend à ramener son personnage vers une terre d’accueil rêvée. Une fresque kafkaïenne entre réalité et rêve éveillé, telle une lente remontée consciente d’un inconscient innocent. Sans se libérer de quelques mimiques agaçantes (gros plan face caméra, rallongement inutile des plans, contemplation outrancière), et laissant quelques clés de lecture parcellaires, Benchetrit troque à l’ennuyante maîtrise l’imperfection de l’audace.

Interpellé par le non-sens de la vie lors d’une scène du quotidien alors qu’il promenait son chien, Samuel Benchetrit constate que celui-ci a la grande faveur des passants. Pourtant, deux mètres plus loin, gît un SDF en pleurs que tous ignorent promptement. Lui vient ainsi cette assertion : être chien ne semble-t-il pas une échappatoire stable aux tourments de la vie ?

Loufoque dans sa première partie, le récit oscille entre surréalisme, tendresse et perdition. On rit de bon cœur devant le pathétisme des situations. Il met en scène Jacques Blanchot (Vincent Macaigne, habité), un être étranger au monde qui l’entoure. Trop candide, trop pur pour une réalité aux interactions aussi cruelles que complexes. Son accession à une condition canine va lui permettre d’atteindre une humanité dépourvue d’artifices. Comme le dit à juste titre Benchetrit : « Jacques n’a pas d’ambition. Il se rapproche du chien. Un chien n’a qu’une seule ambition : se nourrir. Un chien n’a pas de problème d’argent, pas de travail, pas de femme. Tout au plus il a de l’affection pour sa famille. On ne lui demande pas d’avoir de la conversation ou d’avoir de l’humour. On lui demande simplement d’être lui. »

Dans une valse perpétuelle entre douceur, violence et absurdité, Benchetrit construit une métaphore de la dépression. Ainsi, la figure du maître est comme la conscience du surmoi freudien qui rôde autour du moi. Une autorité qui flanche parfois pour caresser le moi de sa culpabilité. Or, le personnage incarné par Vincent Macaigne est dénué du surmoi. C’est ce qui rend le maître-chien (Bouli Lanners parfait en miroir de la cruauté) plus effrayant dans ses excès de douceur. Et en un sens, dans l’atteinte de sa condition canine, Jacques se transcende et devient surhumain. Il dépasse dès lors le triptyque freudien.

Chien c’est notre histoire. Celle d’une société en perdition où les grandes espérances romantiques se sont depuis longtemps retranchées dans les livres. Que nous reste-t-il comme bouclier pour faire face à la fatalité de l’existence ? La réponse se trouve peut-être dans un retour à la primitivité de nos émotions, sans juge ni bourreau. Car au berceau d’une niche se cache l’humanité, soustraite à l’anxiété d’un monde à l’agonie avec pour seul arme « l’humour comme politesse du désespoir ». (Chris Marker)

La fiche

CHIEN
Réalisé par Samuel Benchetrit
Avec Vincent Macaigne, Bouli Lanners, Vanessa Paradis…
France – Comédie dramatique

Sortie : 14 mars 2018
Durée : 94 min




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