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EVOLUTION

D’un souvenir fantasmé de la Seconde Guerre Mondiale au Berlin contemporain, Evolution suit trois générations d’une famille marquée par l’Histoire. La douleur d’Eva, l’enfant miraculée des camps, se transmet à sa fille Lena, puis à son petit-fils, Jonas. Jusqu’à ce que celui-ci brise, d’un geste d’amour, la mécanique du traumatisme.

CRITIQUE DU FILM

Comme Pieces of a woman, Evolution s’ouvre lui aussi sur une naissance. Mais loin d’être synonyme de douleur et de violence comme elle l’était dans le film estampillé Netflix, elle est cette fois un miracle surréaliste, un symbole de lumière au cœur des ténèbres, pinacle d’une séquence introductive virtuose et cauchemardesque. Après deux longs-métrages poussifs – La Lune de Jupiter et Pieces of a woman – le cinéaste hongrois Kornel Mundruzco, accompagné à la réalisation par sa scénariste Kata Weber, signe avec Evolution une claque technique, au service d’un propos passionnant sur la mémoire, et comment composer intimement avec l’héritage des plus sombres moments de l’Histoire. 

Evolution se compose de trois segments distincts : Eva, Lena et Jonas. Trois noms pour incarner trois générations, trois regards portés sur l’Holocauste au fil du temps. Trois plans-séquences suffocants magistralement mis en scène par le tandem hongrois. Chacun des plans séquences tisse la question de la mémoire à travers le temps. Eva en est la matrice, dans une scène inaugurale quasi muette et au surréalisme terrifiant, offrant à Evolution l’une des ouvertures les plus saisissantes de l’année. C’est toutefois un film dont la force de la mise-en-scène repose principalement sur l’escalade de la stupéfaction que permet le plan-séquence, il serait alors regrettable de trop en dévoiler sur la réalisation de chaque segment.

Contes de l’Histoire et autres monographies

Pour autant, et ce malgré sa forme de « film à sketchs », Evolution trompe l’ennui que pourrait ressentir le spectateur, en faisant de chacun de ses segments un exercice narratif singulier. Le premier est un huis-clos mutique et cauchemardesque. Le deuxième est aussi un huis-clos, mais dont la tension provient autant du dispositif cinématographique que de l’oppressante conversation entre Eva et Lena, abordant l’héritage et la mémoire de l’Holocauste comme un poids, un devoir, autant que comme un épisode éminemment traumatique, qui ne doit pas être la seule définition de ces personnages. Jonas creuse d’autant plus cette vision de la mémoire, par sa distance générationnelle avec l’horreur et sa jeunesse. Il interroge, au-delà du rapport intime à ce devoir de mémoire de Eva et surtout Lena, la difficulté pour cet adolescent de vivre avec le regard des autres sur sa vie et a fortiori la vie de ses ancêtres. Ce qui pourrait être de l’égoïsme est bien plus une volonté de construire sa propre identité, et c’est alors un nouveau regard sur le devoir de mémoire que pose le 

À travers les âges, c’est la complexité graduelle de l’héritage des crimes les plus abominables de l’humanité que cherche à saisir Evolution, servi par une mise-en-scène brillante du duo hongrois, qui signe un film passionnant, son meilleur depuis White God.

Bande-annonce

18 mai 2022De Kornél Mundruczó, avec Lili MonoriAnnamária LángGoya Rego


Cannes 2021 – Première mondiale




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