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EVERYBODY KNOWS

Mécanique

À l’occasion du mariage de sa soeur, Laura revient avec ses enfants dans son village natal au coeur d’un vignoble espagnol. Mais des évènements inattendus viennent bouleverser son séjour et font ressurgir un passé depuis trop longtemps enfoui.

Petit théâtre des errements humains.

Il faut remonter le temps jusqu’en 2004 et La Mauvaise éducation de Pedro Almodovar pour retrouver les traces d’un film non-anglophone – ou non-francophone – présenté en ouverture du Festival de Cannes. Quatorze ans se sont écoulés et c’est aujourd’hui l’une des actrices fétiches du maestro espagnol, Penélope Cruz, qui vient donner le coup d’envoi de cette 71ème édition devant la caméra du cinéaste iranien Asghar Farhadi. Depuis peu coutumier des lieux, il signe ici sa première incursion ibérique dans Everybody Knows, thriller psychologique fidèle à ses thématiques de prédilection où la disparition d’une adolescente révèle les failles d’une famille en apparence unie.

D’abord adoubé par ses pairs à Berlin (où il recevra successivement l’Ours d’argent et l’Ours d’Or pour À Propos d’Elly et Une Séparation), Asghar Farhadi a patiemment attendu sa première réalisation française, Le Passé, pour décrocher sa place en Sélection Officielle. Deux fois présent en compétition, il n’est jamais reparti les mains vides de la Croisette en offrant deux beaux prix d’interprétation à Bérénice Béjo (Le Passé) et Shahab Hosseini (Le Client) avant d’être lui-même récompensé pour le scénario du Client. Huit films plus tard (et autant de récits implacables au compteur), il a imposé son sens du timing scénaristique et les fondations d’un dispositif narratif aisément reconnaissable.

Pourtant, quelque chose s’est, cette fois, définitivement grippé dans une machine dont les rouages tournent désormais en boucle. Pendant que le réalisateur déroule à l’infini son petit théâtre des errements humains, son cinéma finit par ressembler à l’impressionnant (mais écrasant) mécanisme du clocher dévoilé lors de la séquence inaugurale. Asghar Farhadi a beau savoir filmer à merveille des personnages ensevelis sous le poids de la culpabilité et du doute, il peine à élever ce drame familial au-delà d’un canevas cousu main et le prive de la puissance émotionnelle tant attendue. Pour la première fois, il semble, au contraire, avoir recours à des ficelles plus faciles que d’ordinaire (même si Le Client avait déjà montré quelques signes d’essoufflement) et à des métaphores inutilement explicites.

Habituellement irréprochable dans sa direction d’acteurs, il échoue également à transfigurer Penélope Cruz dans un rôle écorché. Tandis que Javier Bardem tire haut la main son épingle du jeu, elle paraît étouffer dans la peau d’une mère éplorée et délivre une performance ankylosée où la moindre intention de jeu explose à l’écran. Asghar Farhadi la pourchasse, la piège dans le cadre, la pousse dans ses retranchements en permanence mais rien n’y fait : l’actrice ne réussit pas à atteindre une intensité suffisante pour nous bouleverser. Derrière un film mineur, il reste toutefois la promesse donnée dans une première partie étonnamment ravageuse et lumineuse où Asghar Farhadi célèbre l’exubérance de festives retrouvailles. Sa mise en scène y trouve une fluidité inédite, une énergie qui laisse entrevoir un immense champ de possibles, largement apte à réinventer un cinéma en quête d’une nouvelle étincelle.

La fiche
everybody knows affiche

PIERRE EVERYBODY KNOWS
Réalisé par Asghar Farhadi
Avec Penelope Cruz, Javier Bardem, Ricardo Darin…
Espagne – Drame, thriller

Sortie : 9 mai 2018
Durée : 132 min




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