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EMA

Ema, jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom, est hantée par les conséquences d’une adoption qui a mal tourné. Elle décide de transformer sa vie.

Critique du film

Ema apparaît dans la filmographie de Pablo Larraín comme le prolongement du virage déjà amorcé avec son précédent film Jackie. Deux noms de femmes pour deux portraits antagonistes pourtant liés par l’idée de performance, destructrice chez Jacqueline Kennedy, libératrice chez Ema. Le réalisateur chilien délaisse le biopic politique au profit de l’expérience plus intime à travers Ema, figure féminine aussi sauvage que imprévisible. 

Difficile de faire entrer Ema dans une case tant Pablo Larraín transforme son drame domestique en une expérience sensorielle unique. Le film est à l’image de son personnage principal, passionnée de reggaeton et de lance-flammes, tiraillée entre sa liberté absolue et le regret de la maternité. Loin de l’empathie que pouvait inspirer Jacqueline Kennedy, Ema apparaît dès l’ouverture comme un personnage irresponsable évoluant dans un monde antipathique, violent et déloyal. Du haut de sa vingtaine, le regard toujours provocateur, Ema est rattrapée par l’insouciance de l’adolescence et les responsabilités de la vie adulte qu’elle préfère fuir. 

La caméra semble toujours en mouvement, avançant aux côtés de son anti-héroïne, toujours dans des lieux de transition, marchant, dansant, roulant sans but au cœur de la nuit. Le film se construit comme une transe fiévreuse, métamorphosant la ville en un labyrinthe onirique où se perd Ema, entre passé et présent, au gré des rencontres. Le chaos habite le monde, et Ema n’en est que l’infâme progéniture. Derrière ses cheveux peroxydés, elle devient une figure anarchiste, défiant les lois de l’univers, refusant la maternité et les frontières de la sexualité. Le feu devient alors symbole d’expiation, de purification : détruire le monde pour le reconstruire, pour se replacer soi-même au centre de l’univers. 

Transe existentielle

A l’image du soleil qui surplombe la scénographie initiale, Ema est un personnage cosmique qui cherche à se placer au centre de l’univers. Le film sonde ses émotions, collant au plus près de son visage, quasiment face caméra et pourtant toujours fuyant. C’est sans doute par sa complexité, accentuée par une narration éclatée, que Pablo Larraín fait naître une étrange empathie dans son personnage. Mariana Di Giralamo insuffle un véritable magnétisme à son anti-héroïne, dont le corps devient tantôt érotique, tantôt émancipé. 

La musique omniprésente injecte au récit une véritable pulsation et agit comme un métronome des émotions. Nicolás Jaar fabrique une sonorité urbaine et enivrante, mélangeant les notes électroniques au reggaeton et aux bruits assourdissants de la ville. Le film baigne dans une atmosphère aussi mélancolique que fantasmagorique et traduit l’errance physique et mentale de son personnage. Seule la danse parvient à maîtriser ce corps, et qui à travers des chorégraphies millimétrées, arrive à le reconnecter aux autres. La danse exprime ainsi une exaltation collective des sens, un contrôle des mouvements de soi pour s’accrocher au rythme d’un monde qui tourne trop vite. 

Après le chaos, la paix. Ema est le rêve fébrile d’une errance, aussi matérielle que spirituelle qui se conclut dans une sérénité presque mystique. Pablo Larraín signe avec Ema une expérience incandescente et déroutante et s’inscrit indéniablement comme l’un des grands films de cette année. 

Bande-annonce

2 septembre 2020 – De Pablo Larraín, avec Gael Garcia Bernal, Mariana Di Girolamo.




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