Gunda

GUNDA

Gunda est une truie qui vient d’avoir une douzaine de petits. A travers son portrait et celui d’autres animaux de la ferme, nous assistons au quotidien de ces êtres qui nous accompagnent dans nos vies de tous les jours sous l’aspect de produits de consommation.

Critique du film

Gunda est un film qui a de quoi dérouter. Présenté à la dernière Berlinale en février dernier, il est l’oeuvre du réalisateur russe Victor Kossakovsky, et compte parmi ses producteurs exécutif un certain… Joaquin Phoenix. Documentaire en noir et blanc, il permet de sortir de nos habitudes de visionnage.

Aucun être humain dans Gunda, le plan n’est habité que par des animaux, et principalement par une truie et ses jeunes porcelets de leur naissance à leur presque âge adulte. Tout d’abord il faut insister sur le coté très immersif du film : la caméra est posée à hauteur des protagonistes, soit presque au ras du sol. L’auteur bâtit ses plans avec un soin extraordinaire. Il laisse du temps aux événements de se dérouler, mettant en place puis laissant le soin aux animaux de se mouvoir selon leur volonté. Le résultat est des plus saisissants, et peut également contenir sa limite : il ne se passe absolument rien dans Gunda. On entre dans le quotidien et la vie d’être qui sont aussi différents de nous que possible.

En effet, un grand soin est apporté à ne pas tomber dans un écueil trop facile quand il est question de montrer la vie animale, à savoir de les anthropomorphiser. Si on n’humanise pas les porcs, on apprend à les regarder et à saisir leurs codes. Il est tout d’abord question de survie, de se nourrir, d’être mobile. On assiste avec effroi à la sélection naturelle qui s’opère dès les premiers instants. L’angoisse naît de la possibilité qu’un des jeunes cochonnets ne puisse atteindre la mamelle maternelle lui permettant de se sustenter et de grandir. Cette mère sans pitié qui rudoie ses petits et n’hésite pas en éliminer un si celui-ci n’est pas valide. En suivant les pérégrinations de cette petite famille on croise toute sorte d’animaux de la ferme. Que ce soit les volatiles, poulets et coqs, ou encore vaches laitières envahies de mouches qui scrute la caméra comme pour lui demander ce qu’elle peut bien leur vouloir.

Gunda
Kossakovsky nous confronte à cette altérité nombreuse, nous fait prendre conscience de leur sensibilité et de leur vie propre, loin de cet homme toujours en hors-champ. Le film prend dès lors un vernis militant, précipité par un geste final virtuose qui montre la truie Gunda dans l’incompréhension totale devant la disparition de sa progéniture, promise à nourrir les estomacs de ces grands absents de l’histoire. Leur vie rentre alors en collision avec la notre, leur souffrance avec notre satiété. Plus qu’un film esthétisant, Gunda est une aventure au milieu du quotidien d’animaux sentients qui nous touche au plus profond de nous mêmes. Magnifiés par une photographie en noir et blanc sublime, ils apparaissent comme bien plus qu’une matière brute sans âme et sans importance. Il n’est pas étonnant que l’acteur Joaquin Phoenix se soit impliqué dans ce projet étant donné ses convictions pour la défense de la vie animale, et notamment pour un végétarisme/véganisme pour régime alimentaire.

Une œuvre militante, mais un film à part entière, dont les héros sont des animaux, qu’ils soient cochons, vaches, ou poulet à une patte, bravant fièrement l’existence. Ce qu’arrive à produire l’auteur dans le clair obscur, ou en captant le regard désemparée de la truie qui a perdu ses petits, est tout simplement prodigieux. Un très beau moment de cinéma qui bouscule à la fois les sens mais aussi les consciences, tout cela sans aucun dialogue ni voix off, mais avec une grande poésie distillée par ces moments partagés avec les animaux.

Bande-annonce

De Victor Kossakovsky.


Présenté au Festival de La Roche sur Yon




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