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DOUBLES VIES

La fiche

Réalisé par Olivier Assayas – Avec Juliette Binoche, Guillaume Canet, Vincent Macaigne, Nora Hamzawi, Christa Théret
France – Comédie, romance – Sortie : 16 janvier 2019 – Durée : 108 min

Synopsis : Alain, la quarantaine, dirige une célèbre maison d’édition, où son ami Léonard, écrivain bohème publie ses romans. La femme d’Alain, Séléna, est la star d’une série télé populaire et Valérie, compagne de Leonard, assiste vaillamment un homme politique. Bien qu’ils soient amis de longue date, Alain s’apprête à refuser le nouveau manuscrit de Léonard… Les relations entre les deux couples, plus entrelacées qu’il n’y paraît, vont se compliquer.

La critique du film

Olivier Assayas s’est toujours intéressé au retentissement sur les êtres d’un monde qui change. Au début des années 2000, quand il adapte Les Destinées sentimentales, c’est pour dépeindre une société qui se transforme au début du XXe siècle, puis quand il réalise le thriller demonlover c’est la révolution des images qu’il met en avant et déjà celle du numérique avec les dérives d’internet. Mais c’est dans ses dernières réalisations que l’on sent que le réalisateur s’interroge de plus en plus sur la prédominance des écrans dans nos vies. Dans Sils Maria, Juliette Binoche, actrice old school, se voit remplacer par une nouvelle génération qui a fait du buzz sur le net son meilleur outil de communication. Dans Personal Shopper, Kristen Stewart erre, solitaire, dans Paris, son portable toujours à portée de main. Portable qui devient autant une menace qu’un objet de fantasme quand un mystérieux correspondant entame avec elle une discussion par sms.

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Peu étonnant donc de voir Olivier Assayas mettre au cœur de Doubles vies, son nouveau film, ou tout du moins utiliser comme prétexte de départ, l’impact du numérique sur le monde de l’édition à travers les histoires de cinq personnages types : l’éditeur qui tente d’amorcer le virage numérique, l’écrivain vivant dans sa bulle à l’écart de toute cette nouvelle agitation, la jeune utopiste qui croit dur comme fer au tout-numérique, l’actrice de répertoire classique qui gagne sa croûte en jouant dans une série qu’elle déteste, et enfin l’étrangère au monde artistique, une assistante parlementaire motivée par de réelles convictions politiques).

Guillaume Canet et Vincent Macaigne
Olivier Assayas dresse un portrait de notre monde, et plus particulièrement celui de l’art, en pleine mutation numérique. Mais à l’inverse de Sils Maria ou Personal Shopper, les tablettes et téléphones sont finalement peu présents dans Doubles vies, l’approche d’Olivier Assayas se voulant cette fois si plus théorique. Il multiplie ainsi les confrontations d’avis à travers de savoureuses joutes verbales, laisse se dérouler les réflexions pour s’interroger aussi bien sur la désacralisation de l’art que sur la valeur pécuniaire de celui-ci, sur la censure de la bienséance, sur l’outil numérique au sens pratique, en tant qu’objet… ou encore, question récurrente dans son cinéma, sur la définition de l’art, qu’est-ce qui fait que l’art est art ?

Un casting parfait

Ce qui est plus surprenant par contre c’est qu’Olivier Assayas aborde la question à travers le genre de la comédie pure. Si le réalisateur n’hésite jamais à mettre un certain humour et une certaine dérision dans ses films, c’est la première fois qu’il le fait d’une manière aussi marquée. Et il semblerait que l’auteur se soit pris au jeu. Avec son habituelle liberté d’écriture, il laisse ainsi peu à peu dévier sa plume vers la comédie de personnages à travers les histoires d’amour et d’adultères de deux couples. Olivier Assayas a su trouver le rythme si particulier de la comédie, à travers un montage parfaitement pensé et qui arrive à suivre parfaitement la dynamique des dialogues. Le réalisateur a aussi réussi à réunir le casting parfait pour s’approprier ses mots. Vincent Macaigne et Nora Hamzawi (véritable révélation), en tête, apportent avec un naturel déconcertant la touche d’extravagance du film, à laquelle le jeu plus retenu de Guillaume Canet, la sensualité de Christa Theret, et l’éclat naturel de Juliette Binoche répondent parfaitement.

Cependant si Olivier Assayas a su trouver le ton juste de la comédie, il a aussi réussi à en éviter les écueils et les clichés. Nulle comédie de boulevard ici mais plutôt des portraits de couples qui savent surmonter les obstacles pour se réinventer ensemble. Peut-on alors y voir un parallèle avec notre monde, qui malgré les bouleversements, tel le numérique, saura toujours se rattacher à l’essentiel et s’écrire un avenir ?



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La bande-annonce




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