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DONNYBROOK

Ex-marine, Jarhead est un père désespéré. Non seulement il est prêt à tout pour nourrir ses enfants, mais c’est aussi un combattant redoutable. Le Donnybrook, un tournoi de combat à poings nus qui se déroule dans les forêts de l’Indiana, consitue pour lui une chance unique d’accéder à une vie meilleure. Le prix accordé en espèces au gagnant résoudra tous ses problèmes, il en est convaincu. Chainsaw Angus, de son côté, a raccroché les gants depuis longtemps. Cette légende des combats clandestins, jusqu’alors invaincue, s’est reconvertie avec sa soeur, Liz, dans la fabrication de méthamphétamine. Le Donnybrook sera le lieu de leur perdition… ou de leur rédemption.

Critique du film

Plongée chez les White Trash avec ce Donnybrook de Tim Sutton qui avait gagné le prix du meilleur film au Fantastic Fest d’Austin en 2018 et qui va donc connaître une sortie VOD chez nous (en attendant une future édition Blu-ray à venir). Bien que relativement peu connu en France, le réalisateur américain a déjà 5 films au compteur en l’espace de 8 ans et des participations aux festivals de Sundance, Venise et Toronto. Comme nombre de ses collègues du cinéma indépendant, Sutton s’intéresse à l’Amérique profonde, celle des laissés-pour-compte, des gueules cassées, rongées par la drogue, et sans perspective. C’est dans cet environnement que le film prend place, au milieu des trailer parks et d’une nature foisonnante sans être pour autant bienfaitrice. 

La première chose à dire à propos de Donnybrook, c’est qu’il ne faut pas trop se fier à sa bande-annonce. Celle-ci met opportunément l’accent sur les combats en cage où plusieurs rivaux s’affrontent en même temps et où est déclaré vainqueur le dernier combattant restant debout. Ce tournoi clandestin – le Donnybrook du titre –n’est au final qu’un objectif lointain du film, un climax symbolique, qui ne reflète pas la tonalité réelle du film de Sutton, ni sa note d’intention. Car ce qui motive au fond le metteur en scène, c’est de raconter l’histoire de ses personnages qui sont tous, sans exception, brisés par un même désespoir. Ce désespoir qui recouvre le film et qui trouve sa source dans le cœur d’une population abandonnée, pour qui le rêve américain ne signifie plus rien depuis trop longtemps. Qu’il s’agisse ici d’un vétéran de l’armée qui s’adonne aux braquages pour faire subsister sa famille, d’un dealer psychopathe et sa sœur abusée, ou d’un flic addict en quête de vengeance, leur monde désenchanté est marqué par la violence, partout, tout le temps. Une violence physique, morale et sociale. Mais, cruel paradoxe, cette violence qui les entoure et les agresse en permanence est aussi leur unique moyen de survivre et d’échapper à leur condition misérable.

Lutte des classes

C’est là l’objet principal du film, l’idée que les plus démunis ne s’en sortiront que par le combat, en faisant couler le sang. Celui des autres de préférence, mais le leur également. Si ce point de vue ainsi qu’un pitch accrocheur pouvaient laisser espérer un film âpre et percutant, l’entreprise pâtit malheureusement d’une mise en scène défaillante. Conséquence d’un montage informe et contre-productif, on est ainsi surpris par le peu d’empathie généré par les personnages et leur destin pourtant tragique. Durant les 1h41 de film, les scènes supposées fortes, et pensées comme autant de moments chocs, se succèdent mais rien ne semble les lier véritablement. C’est un peu comme si le réalisateur avait d’abord imaginé toutes ces scènes relativement graphiques, puis avait cherché un moyen artificiel de les réunir au sein d’un film.

Cela explique le style poseur et légèrement démonstratif de Donnybrook, et qui, malgré quelques images bien éclairées (la photo est signée du français David Ungaro), donne des plans parfois trop longs et un récit emprunté, pour ne pas dire laborieux. Et ce n’est pas la bande-son ostentatoire, alternant classique et métal, qui arrangera l’affaire. Au milieu de cela, les acteurs font ce qu’ils peuvent pour donner corps aux tourments de leurs personnages. De Jamie Bell à Frank Grillo, en passant par Margaret Qualley et James Badge Dale, tous font preuve d’un dévouement sincère pour le projet, mais sans remettre en cause leur talent, leur performance souffre de l’écriture stéréotypée de leurs personnages. Les comportements sont de fait souvent prévisibles, ce qui diminue irrémédiablement l’impact de l’effet escompté.

Dans une interview, le réalisateur a révélé s’être inspiré de Malick (La Ballade Sauvage), mais aussi Taxi Driver et Apocalypse Now pour ce film. On perçoit les intentions de départ qui ont animé le réalisateur américain, mais force est de constater qu’il ne parvient jamais à trouver l’équilibre et la justesse de ses illustres références. Trop inconstant, trop premier degré, le film cherche délibérément à marquer les esprits, mais échoue au final à laisser une trace durable dans nos mémoires. Reste que Donnybrook s’inscrit surtout dans un pan récent du cinéma indépendant américain qui touche au film de genre tout en s’intéressant au sort des oubliés de l’Amérique. Cold in July de Jim Mickle, Blue Ruin de Jeremy Saulnier et bien sûr Joe de David Gordon Green ou encore Killer Joe de William Friedkin, en sont parmi les meilleurs exemples de la dernière décennie.

 Si Donnybrook est loin d’être aussi maîtrisé que ces derniers, on peut néanmoins saluer la tentative qui est la sienne et cette volonté de peindre le portrait d’une société en lutte pour sa survie, où l’espoir naît de la violence, mais où la victoire n’est qu’illusoire et se paye au prix fort.

Bande-annonce

25 mars 2020 (VOD) – De Tim Sutton, avec Jamie Bell, Margaret Qualley et Frank Grillo




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