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DOG EAT DOG

Lorsque trois ex-détenus désespérés se voient offrir un boulot par un chef de la mafia mexicaine, ils savent qu’ils feraient mieux de refuser, mais l’appât du gain les empêche de tourner les talons.
Tout ce qu’ils ont à faire est de kidnapper l’enfant d’un homme qui cherche à mettre le chef de la mafia sur la touche. Le rapt tourne mal lorsque les ravisseurs sont forcés de tuer un intrus inattendu et aussi dangereux mort que vif. Désormais indésirables dans le milieu, les trois ex-détenus deviennent les fugitifs les plus recherchés. Chacun d’eux s’est juré de ne jamais retourner en prison et pour ça ils sont prêts à tout.

Critique du film

Dog Eat Dog, vingtième long-métrage réalisé par Paul Schrader, vient après l’expérience douloureuse de La Sentinelle en 2014, où le cinéaste a été privé de final cut, et a vu son film remonté par des producteurs dénués de la moindre ambition artistique. Dévasté, il se demande s’il aura le courage de faire un autre film. Ayant déjà acquis la confiance de Nicolas Cage, il lui propose de travailler sur un nouveau projet, afin de penser la blessure qui les liait l’un à l’autre (même si Nicolas Cage a probablement plus de cicatrice que Schrader). L’acteur accepte sans hésiter.

Lorsqu’il se présente aux différents producteurs, le réalisateur est ferme : plus jamais il ne laissera le contrôle artistique d’un film lui filer entre les doigts. Il obtient donc la garantie d’avoir le final cut, et peut jouir d’une liberté artistique presque totale. Ainsi naît Dog Eat Dog, film de gangster racontant l’histoire de trois anciens prisonniers – Troy (Nicolas Cage), Mad Dog (Willem Dafoe) et Diesel (Christopher Matthew Cook) – engagés par un certain Grecco le Grec (Paul Schrader, qui joue son premier rôle au cinéma !) afin de kidnapper le bébé d’un homme endetté.

L’enjeu pour Schrader était de faire quelque chose de nouveau en 2017 avec le genre du film de gangster. Aussi, comment peut-on passer après Coppola, Scorsese, De Palma, etc., sans produire un effet de redite ? Pour éviter cela, le réalisateur réunit l’ensemble de son équipe créative, en lui demandant de ne pas chercher des idées pour rentrer dans des cases, mais plutôt de trouver des idées en ne sachant même pas que des cases existent. Schrader est remonté, et il veut lâcher tous les chevaux. Bien lui en a pris, tant le film éblouie pour son inventivité.

Chaque séquence est fondée sur une idée nouvelle, que ce soit au travers des mouvements de caméra, du point de vue adopté, des gammes de couleurs, que dans la caractérisation des personnages. Ce n’est pas un hasard si le premier individu que l’on voit à l’écran est Mad Dog, ex-taulard hyper violent et imprévisible, qui squatte chez une imposante concubine, et qui regarde du porno sur son ordinateur lorsque celle-ci s’absente. Comme un doigt d’honneur à ses précédents producteurs, Schrader conclue la séquence sur un geste radical : le meurtre d’une femme et de son enfant. Le ton est grave, et en même temps grotesque, voire comique. Le film a commencé depuis seulement dix minutes.

Renaître de ses cendres

Fondant sa méthode d’écriture sur un système de problème personnel transformé en métaphore, le cinéaste a très intelligemment écrit ses personnages de telle sorte à ce que ce soit eux, au travers de leur folie, qui permettent au film de partir (très) loin graphiquement et dramaturgiquement. Aussi est-ce pour cela que l’on peut considérer Dog Eat Dog comme un éloge à la liberté créatrice, dont la fraicheur vient justement de la volonté du cinéaste de vouloir renaître de ses cendres.

Schrader a réussi sa mission, et signe là un film qui pourrait être celui d’un jeune homme. Il se permet même de dépasser l’enjeu des intentions graphiques, au travers d’une scène finale absolument remarquable, qui réinvente en quelques minutes l’identité politique et sociale de ses personnages principaux, questionnant ainsi le regard que nous portions sur eux jusqu’alors. C’est malin, intelligent, radical, bref, c’est un grand film de Schrader.


DANS LA TÊTE DE PAUL SCHRADER, DU 8 JANVIER AU 2 FÉVRIER 2020 AU FORUM DES IMAGES

 




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