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DANCING PINA

Iphigénie en Tauride / Le Sacre du Printemps. Au Semperoper en Allemagne et à l’École des Sables près de Dakar, de jeunes danseurs, guidés par d’anciens membres du Tanztheater de Pina Bausch, revisitent ses chorégraphies légendaires. Pour ces artistes, issus de la danse contemporaine, du hip-hop ou du ballet classique, danser Pina, c’est questionner ses limites, ses désirs, et métamorphoser une œuvre tout en se laissant soi-même métamorphoser par elle.

CRITIQUE DU FILM

« La danse est une forme d’art éphémère. » : c’est ce qu’a pensé Florian Heinzen-Ziob en explorant pour la première fois les archives de Pina Bausch. En découvrant son œuvre aux côtés d’une nouvelle génération de danseurs, le cinéaste a pourtant pris conscience que l’héritage Pina Bausch s’étendait bien au-delà des supports physiques. 

Née en 1940 à Solingen, en Allemagne, Philippina Bausch est devenue au fil des années une danseuse accomplie puis une chorégraphe révolutionnaire et l’une des plus importantes figures artistiques du XXe siècle. En 1973, elle a créé la compagnie de danse contemporaine Tanztheater, introduisant ainsi la danse-théâtre comme nouvelle forme d’expression artistique. 

Avec le documentaire Dancing Pina, Florian Heinzen-Ziob nous propose une immersion dans le quotidien de jeunes danseurs qui revisitent deux chorégraphies emblématiques de l’œuvre de Pina Bausch : Iphigénie en Tauride et Le Sacre du Printemps. La transmission est au cœur de leur apprentissage, puisque ces danseurs sont dirigés par d’anciens membres de la compagnie du Tanztheater. 

Au plus près du mouvement

Dancing Pina est une fenêtre sur la dimension artistique, mais aussi profondément humaine de la danse. Nous y suivons des danseurs aux origines artistiques et géographiques très différentes. D’un côté, la compagnie de ballet du Semperoper (à Dresde, en Allemagne) répète l’opéra dansé Iphigénie en Tauride. En parallèle, des danseurs venus de partout en Afrique préparent Le Sacre du Printemps à l’École des Sables, près de Dakar au Sénégal. « Ce n’est ni classique, ni contemporain. On cherche qui on est, en tant qu’être humain. » déclare Malou Airaudo, chorégraphe, danseuse et ancienne membre du Tanztheater de Pina Bausch. Qu’ils soient issus du ballet classique, de la danse contemporaine ou du hip hop, tous les danseurs s’approprient l’œuvre de Pina Bausch comme on apprend un nouveau vocabulaire. 

Dancing Pina

Florian Heinzen-Ziob filme l’essence du mouvement dans toute sa subtilité. L’observation et le tournage de très longues séquences dansées permettent d’offrir dans le documentaire, des moments très rares d’apprentissage et de symbiose artistique et humaine. Le partage du vécu des danseurs et des chorégraphes est aussi omniprésent dans Dancing Pina. Toutes et tous ont été confronté.e.s aux exigences, parfois très rudes, du monde de la danse, comme la danseuse sud-coréenne Sangeun Lee, maintes fois jugée « trop grande » pour la danse classique. Bien au-delà des contraintes techniques et de morphologie, l’œuvre de Pina Bausch offre aux danseurs un espace pour être eux-mêmes. 

Une oeuvre qui ne cesse de se réinventer 

L’œuvre de Pina Bausch est plus que jamais vivante. L’artiste le disait elle-même de son vivant « Nous sommes la pièce. » : les danseurs ne se contentent pas d’apprendre une chorégraphie, c’est eux qui la transforment, de la même manière que l’œuvre les transforme à son tour. Soutenu par la Pina Bausch Foundation, le documentaire Dancing Pina célèbre le travail de Pina Bausch, mais aussi de tous ceux qui continuent à le faire vivre.  

Bien que le film ait été pensé en lien avec les deux projets de mise en scène d’Iphigénie en Tauride et Le Sacre du Printemps, Florian Heinzen-Ziob a fait le choix de se concentrer sur l’entièreté du processus de travail et d’appropriation des oeuvres, au-delà d’une captation intégrale des pièces. D’anciens danseurs du Tanztheater de Pina Bausch comme Josephine Ann Endicott, Malou Airaudo ou encore Jorge Puerta Armenta dirigent la mise en scène des pièces et enrichissent le documentaire de leur témoignages sur ce que cela représente de travailler avec Pina, et de danser Pina. 

Dancing Pina

Œuvre majeure du XXe siècle déclinée en plus de 200 versions, Le Sacre du Printemps est un choix évident pour symboliser la dimension immortelle de l’œuvre de Pina Bausch et son renouveau. Pendant le tournage du documentaire, les représentations du Sacre du Printemps par la compagnie de l’Ecole des Sables ont été annulées en raison de la pandémie de Covid-19. L’équipe de tournage et la compagnie ont tout de même décidé de donner une représentation de la pièce sur une plage du Sénégal. La musique de Stravinsky, la chorégraphie de Pina Bausch brillamment revisitée par les danseurs à même le sable, les derniers rayons du soleil… Ce sont des circonstances inattendues qui ont donné lieu à l’une des plus belles scènes de danse de ce documentaire, comme un symbole de résilience.    

Le cinéma au service de la danse 

Florian Heinzen-Ziob met le documentaire et le cinéma au service de la danse, en capturant des instants qui auraient pu être éphémères. Dancing Pina célèbre non seulement l’œuvre de Pina Bausch et sa dimension immortelle, mais c’est aussi une formidable photographie d’une nouvelle génération de danseurs qui continue de nourrir sa philosophie artistique. 

Bande-annonce

12 avril 2023De Florian Heinzen-Ziob




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