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COUP DE THÉÂTRE

Dans le West End des années 1950 à Londres, la préparation de l’adaptation cinématographique d’une pièce à succès est brutalement interrompue par le meurtre de son réalisateur hollywoodien. En charge de l’enquête, l’inspecteur Stoppard – blasé et revenu de tout – et l’agent Stalker – une jeune recrue plutôt zélée – se retrouvent plongés au cœur d’une enquête dans les coulisses à la fois glamour et sordides du théâtre. Ils vont tenter d’élucider ce crime bien mystérieux à leurs risques et périls…

CRITIQUE DU FILM

Les sarcasmes de Leo Kopernick (Adrien Brody, victime égocentrique du récit qui nous accompagne en voix off) balisent déjà le terrain. Devant Coup de théâtre, nous verrons un « whodunit » établi dans les règles les plus élémentaires du genre : un meurtre, une enquête et un coupable révélé. Rien de plus, rien de moins. Quel est alors le projet de ce premier long-métrage du Tom George ? Au fil de l’enquête, on découvrira les mobiles de ce film aussi savoureux qu’un petit bonbon sucré.

La première piste pour déterminer les motivations du réalisateur est son contexte. Le film sort trois années après une réappropriation post-moderne du genre : À couteaux tirés. Rian Johnson s’y amusait avec les codes narratifs du genre pour mener à bien la destruction en règle d’une famille bourgeoise. À l’instar de ce film tournant autour du meurtre d’un écrivain de polars à succès, Coup de théâtre se déroule dans un monde où chacun·e a conscience de l’existence du genre, dans la mesure où l’action est située dans un théâtre jouant la célèbre pièce d’Agatha Christie, La Souricière. 

Au-delà de son enquête principale, le film a l’intelligence de faire interagir ses personnages avec les poncifs du genre sans jamais écraser son récit. Cela tourne principalement autour de l’agent Stalker (incarné par la toujours prodigieuse Saoirse Ronan) qui, comme son nom le sous-entend, se montrera observatrice dans les moindres détails, poussée par sa passion pour la fiction. Sa connaissance des clichés du genre lui jouera souvent des tours, notamment cette fâcheuse propension à faire des conclusions hâtives sur l’identité du coupable. Une tendance contagieuse puisque nous sommes également pris au jeu et cherchons n’importe quel détail pour nous faire une idée sur le dénouement du récit. C’est en cela que le film n’oublie jamais de nous faire rire et nous tient en haleine chaque seconde. La présence de Saoirse Ronan et celle d’Adrien Brody nous ramènent alors à un cinéaste phare de notre époque qui constitue la seconde clé pour décrypter ce film : Wes Anderson.

Coup de theatre

THE GRAND LONDON HOTEL

Sans toutefois atteindre la virtuosité rythmique du cinéaste américain, Tom George reprend l’une des idées du réalisateur de The French Dispatch qui est de refaçonner des mondes pour mieux les célébrer. Le West End de Londres dans les années 1950 est conçu comme un coffre à jouets gigantesque où les comédiens enfilent leurs costumes les plus extravagants pour jouer leurs personnages comme dans une immense Murder Party. Un travelling astucieux déploie ce dispositif dans une scène où ventriloques et inspecteurs de police sont difficiles à départager tant on peine à savoir s’ils jouent véritablement un rôle ou non dans l’intrigue.

À travers un script qui évoque la confrontation entre tradition et modernité d’un genre, entre éthique et immoralité du processus d’écriture, Coup de théâtre fonctionne comme chez Anderson : il pousse son imagerie jusqu’à l’extrême pour nous épater. Peu importe si ce que l’on a devant nos yeux est déjà-vu, l’important est que l’effet marche. La comédie et les rebondissements sont au rendez-vous et le casting so British s’en donne à cœur joie. On a plaisir à retrouver David Oyelowo, Sam Rockwell, Sian Clifford, Harris Dickinson, Ruth Wilson et j’en passe qui jouent des personnages stéréotypés (le dramaturge intellectuel, le comédien obsédé par l’acting, etc.).

Sans prétention aucune, le mobile de Coup de théâtre est donc de nous proposer un instant récréatif. Si son crime est de ne pas laisser plus de temps aux personnages et aux rebondissements pour exister, il est surtout coupable d’offrir un moment jubilatoire qui ne marquera pas l’année, certes, mais qui aura su nous divertir avec suspense et humour.

Bande-annonce

14 septembre 2022De Tom George, avec Sam RockwellSaoirse RonanAdrien Brody




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