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BIRDS OF PREY

Après sa séparation avec le Joker, Harley Quinn rejoint les super-héros Black Canary, Huntress et Renee Montoya pour sauver une jeune fille d’un seigneur du crime, Black Mask, à Gotham City.

La critique du film

Bien conscient des enjeux politiques de #Metoo, et sans doute de l’opportunité lucrative qu’ils représentent, force est de constater qu’Hollywood laisse peu à peu une place significative aux femmes, qu’elles soient à l’écran ou derrière la caméra. Ainsi, les franchises super-héroïques DC et Marvel transposent (enfin) les aventures de leurs super-héroïnes sur grand écran, lancées en grande pompe par la Wonder Woman de Patty Jenkins, suivie de près par Captain Marvel l’année dernière. Si nombreux s’inquiétaient d’y voir apparaître en filigrane un message politique, Birds Of Prey est pourtant bien le premier à insuffler une dimension ouvertement féministe à son projet. Quatre ans après la catastrophe Suicide Squad, Cathy Yan redonne ses lettres de noblesses au personnage d’Harley Quinn. 

Si Joker constituait une anomalie dans le paysage super-héroïque, par son approche auteur et sérieuse du genre, Birds Of Prey s’inscrit comme l’antithèse parfaite, alors même que les deux personnages semblent indissociables. Cathy Yan assume pleinement l’aspect cartoon de l’univers qu’elle déploie, creusant une dimension circassienne propre au personnage d’Harley Quinn. Le film entraîne dans un tourbillon de paillettes et de couleurs pop presque assourdissant, porté par une bande-son exclusivement féminine. Toute l’excentricité de son personnage principal est retranscrite à l’écran, faisant preuve d’une réelle inventivité dans ce qu’il propose. En témoigne cette superbe séquence de parc d’attraction, où le décor grotesque, entre sculptures tordues et spirales délirantes, n’est pas sans rappeler l’imaginaire forain de Burton. 

Force est de constater que Birds Of Prey constitue un sympathique divertissement, porté par l’énergie communicatrice de Margot Robbie, sans toutefois en révolutionner le genre. L’actrice insuffle à son personnage un équilibre entre candeur et excentricité , et en explore la dimension clownesque avec un véritable sens du timing comique. Souvent drôle, le film joue d’un décalage constant de son personnage par rapport à la réalité qui l’entoure, profitant de sa restriction d’âge pour s’amuser, non sans une certaine vulgarité. Néanmoins, le film pâtit d’un scénario sans intérêt, multipliant les allers-retours temporels pour en masquer les défauts. Birds Of Prey suit un montage clipesque similaire à celui de Suicide Squad, dynamique mais agaçant, et tombe parfois dans sa propre caricature, jusqu’à l’excès.

It’s a Man’s Man’s Man’s world 

Si Hollywood a bien compris comment exploiter le filon d’un militantisme woke, et bien souvent inoffensif, Birds Of Prey étonne par sa réappropriation du personnage d’Harley Quinn dans un univers pourtant majoritairement masculin. Sans être l’étendard ultime du féminisme, le film semble d’autant plus inédit qu’il est l’un des rares blockbusters de la firme DC, ou même Marvel, à oser déconstruire le male gaze qui pèse tant dans cette industrie. 

Le fossé entre la Harley Quinn filmée par David Ayer et celle de Cathy Yan est immense, et d’autant plus percutant que le personnage est sensé évoluer dans le même univers. L’émancipation d’Harley Quinn est à la fois fictionnelle, mais surtout cinématographique. Dans Suicide Squad, Harley Quinn n’existe que sous le prisme d’un regard masculin, et chacune de ses actions n’est perçue qu’à travers son corps : lorsque celle-ci se penche pour dévaliser une vitrine d’un magasin, ses fesses monopolisent l’attention et non l’objet qu’elle tente d’attraper. Harley Quinn n’apparaît alors que comme le fantasme délirant pour un public essentiellement masculin, dont la folie est intrinsèquement liée à une sexualité exacerbée

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Cathy Yan centre son film sur la personnalité exubérante de son héroïne, qui n’en demeure pas moins sexy. Erin Benach, costumière sur Birds Of Prey, réactualise la tenue d’Harley Quinn et lui apporte une véritable exubérance, dans un style à la fois glamour et décalé. Les costumes reflète la personnalité de chacune, tout en laissant un confort pour les nombreuses scènes de combat, dont les chorégraphies surprennent par leur fluidité. Pourtant, lorsqu’Harley Quinn sort d’une malle son célèbre t-shirt “Daddy’s lil monster”, elle admet sa valeur sentimentale. Le film accepte l’existence du regard masculin, et ne cherche en rien à l’effacer. Pas question de détruire, mais plutôt de co-exister. Par ses costumes, Harley Quinn s’émancipe des carcans qui lui sont imposés, jouant des codes pour se les réapproprier.

Bande de filles

L’univers de Gotham City est à domination essentiellement masculine : les hautes sphères du crime son contrôlées par des hommes, eux-mêmes entourés par des hommes de main. Un environnement qui laisse peu de place aux femmes, où celles-ci sont réduites aux rangs de faire-valoir, ou de femmes-trophées. Un monde, parce qu’il est essentiellement sous une domination masculine, emprunt de violence générale, mais aussi sexiste. Quand Black Mask (Ewan McGregor) déambule devant une immense fresque de masturbation féminine où les femmes sont étranglées, c’est un miroir tendu de sa misogynie, réduisant la femme à un objet purement sexuel, et profondément imprégné de la culture du viol. Débarrassée de sa relation toxique avec le Joker, Harley Quinn va devoir apprendre à vivre dans un monde qui la hait, et qui habituée à être sous protection masculine, devient immensément vulnérable. Surgissent alors des violences du quotidien, abordées avec un sérieux qui fait froid dans le dos, comme entre autre, la question du consentement sexuel. C’est une sororité accidentelle et imparfaite qui va peu à peu l’émanciper de l’emprise masculine.

Birds Of Prey est avant tout un film de bande, qui s’il est centré sur le personnage d’Harley Quinn, permet d’introduire les autres héroïnes. Chacune est animée par des motivations diverses, qu’elles soient bonnes ou mauvaises- une vengeance ou l’argent-, et doivent se souder malgré elles. Seule Black Canary (Jurnee Smollett-Bell) est animée par un profond dégoût de la violence sexiste dont elle est témoin, en plus de l’appropriation culturelle à laquelle elle doit faire face, et s’engage à rendre justice aux femmes qui en sont victimes, dans un élan de sororité sincère. La violence qui se dégage du film est essentiellement contre des hommes, et dans laquelle la méthode préférée demeure l’émasculation. Non pas que le film soit misandre et bascule dans une haine inconsidérée des hommes, mais bien parce que ceux-ci incarne une violence institutionnalisée et plus vaste d’un monde patriarcal. Et si la violence semble cathartique, ce n’est pas par sa gratuité, mais bien parce qu’elle s’érige contre un sentiment d’injustice. 

Si Birds Of Prey n’est pas le symbole même du féminisme, et qu’il comporte son lot de défauts, il demeure néanmoins passionnant dans sa réappropriation du corps féminin à l’écran, et d’un espace dominé par le masculin. Il y a quelque chose de profondément rafraîchissant, au-delà de l’aspect ébouriffant du film, à voir un véritable regard féminin qui déconstruit le regard masculin, trop longtemps érigé comme la norme. Produit par Margot Robbie et réalisé par Cathy Yan, entourée par des actrices et costumière, appuyée par une bande-son exclusivement féminine, Birds of Prey est un projet résolument féminin et quasi inédit dans un univers de cette ampleur. 

Bande-Annonce

5 février 2020 – De Cathy Yan, avec Margot Robbie, Ewan McGregor, Mary Elizabeth Winstead…




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