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BIGGIE : I GOT A STORY TO TELL

Grâce à des images rares et des interviews approfondies, ce documentaire illustre la vie de The Notorious B.I.G., petit voyou new-yorkais devenu roi du rap.

Critique du film

Le début des années 1990 ouvre un deuxième temps essentiel pour la culture hip-hop étasunienne, après les grandes heures de gloire des pionniers des deux décennies précédentes. Eric B et Rakim, Big Daddy Kane, Afrika Bambaata, autant de grands noms qui en l’espace de quelques années inventèrent un nouveau mode d’expression musical reposant sur un son, soul et électro, et des paroles débitées avec rage, dans un contexte social et politique souvent très fort. Christopher Wallace fut un de ses piliers qui influèrent fortement sur ce nouveau mouvement, et notamment sur le style « East coast » représenté par les rappeurs new-yorkais. Celui connu sous son alias de Notorious BIG fut au centre de cette arène médiatique, pendant une période somme toute très courte, de 1992 à 1997. Que lui soit consacré un documentaire, Biggie : I got a story to tell, après un film en 2009 portant son nom, n’est donc pas étonnant tant il symbolise ces quelques années.

Emmett Malloy, réalisateur issu du monde du clip, est à la tête de ce projet produit par Netflix, reposant sur des entretiens inédits avec des proches du rappeur de Brooklyn. C’est clairement sur cet aspect que repose toute la communication autour du projet, et aussi tous les espoirs de voir apparaître un regard nouveau sur un phénomène de la fin du XXème siècle. L’accent est tout d’abord mis sur les ascendances jamaïquaines de Biggie, avec une enquête organisée dans le village d’origine de sa mère, allant jusqu’à recueillir le témoignage de la grand-mère de la star, âgée de plus de 95 ans. Ces premiers moments du film sont sans doute les plus intéressants, le documentaire représentant des territoires, que ce soit à Brooklyn, configurant un périmètre de la peur et de la violence, face à cette île des origines d’où Biggie aurait tiré une part de son inspiration, lieu de pèlerinage nécessaire pour composer un personnage aussi important et imposant.

Biggie
Malheureusement on quitte très vite cet aspect premier pour plonger dans une étude très figée des fréquentations de Christopher, où quelques photos occupent tout l’écran pour répéter inlassablement qu’il aurait pu être un gangster si la musique n’avait pas été là. La narration déroule alors un discours très convenu sur le fait que c’est le rap qui était le plus rentable pour nourrir la fille de Biggie, mais que le trafic de drogue n’était jamais bien loin pour prendre le relais. Le discours tombe vite dans la complaisance, avec des clichés très usés sur la success story perturbée par l’inéluctable chute du petit baron local qui a fréquenté de trop prêt les méchants garçons de la rue voisine. Tout est très confus et parfois même contradictoire, les prémisses du film présentant un homme aimant chanter de la soul, ce qui est infirmé plus tard dans le film, ou totalement oublié.

Au bout de plus d’une heure de film on peine à savoir qui fut réellement Christopher Wallace, et pourquoi il se retrouve dans une telle situation qui amène sa mort en 1997. L’épisode Tupac Shakur, son amitié devenue rivalité, est expédié en quelques minutes, sans qu’on apprenne quoi que ce soit. Les interventions de Puff Daddy, son producteur et énorme star du rap de cette période, n’aident pas à faire décoller l’histoire. Récitant son texte de manière convenue et laudative, celui qui s’appelle désormais P.Diddy, ne raconte littéralement rien, lui qui fut le témoin de toute cette période, accompagnant chaque pas de Notorious BIG. Autre fait étonnant : vouloir faire croire que Biggie fut le créateur du style East coast, comme s’il était seul à New-York à brandir le fanion du rap local envers et contre tous.

Rappelons qu’un an avant le premier album, Ready to Die, sortait ce qui fut peut être le plus grand disque hip-hop de la fin du XXème siècle, Enter the 36 chambers du célèbre Wu-Tang Clan. Ceux-ci avaient sortis leur premier single, Protect ya Neck dès 1992. Le groupe était originaire de Staten Island, tout aussi new-yorkais que ce cher Biggie Smalls qui peinait à sortir ses premiers morceaux.

Biggie et Tupac
A ce titre il y a une forme de cohérence : le film est aussi grandiloquent et exagéré que fut la carrière de Notorious BIG. Si celui-ci fait désormais partie du Rock’n roll Hall of fame depuis peu, il n’est pas le King que le film présente sans aucune autre forme de perspective. La scène hip-hop présentée dans le film est inexistante, semblant se résumer à quelques battles au coin du quartier de la star.

Biggie fut une des manifestations les plus clinquantes de ce moment, dans une opposition entre les côtes américaines très artificielle et peu intéressante musicalement. Il est bien dommage qu’on parle si peu de musique dans un documentaire qui pourtant avait l’ambition de cerner une scène aussi vivante et novatrice que celle de New-York dans les années 1990. Au delà des lieux communs le mystère Notorious BIG reste entier, avec l’hypothèse inquiétante qu’en fin de compte, il n’y avait peut être pas beaucoup de matière à développer.

Bande-annonce

1 mars 2021 (Netflix) – D’Emmett Malloy, avec Christopher Wallace, Sean Combs et Faith Evans.


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