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BIGBUG

En 2045, l’intelligence artificielle est partout. À tel point que l’humanité compte sur elle pour assouvir ses moindres besoins et ses moindres désirs – même les plus inavouables… Dans un quartier résidentiel tranquille, quatre robots domestiques décident soudain de retenir leurs maîtres en otages dans leur propre maison. Enfermés ensemble, une famille pas tout à fait recomposée, une voisine envahissante et son robot sexuel entreprenant sont donc obligés de se supporter dans une ambiance de plus en plus hystérique ! Car, à l’extérieur, les Yonyx, dernière génération d’androïdes, tentent de prendre le pouvoir. Tandis que la menace se rapproche, les humains se trompent, se jalousent, et se déchirent sous les yeux ahuris de leurs robots d’intérieur. Et si, au fond, c’étaient les robots qui avaient une âme… ou pas !

Critique du film

Bigbug marque le retour du cinéaste Jean-Pierre Jeunet derrière la caméra, après L’Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet. Durant l’absence du cinéaste, neuf années se sont écoulées. Pendant tout ce temps, la production audiovisuelle s’est prise de passion pour les évolutions technologiques. Elles se sont avérées être des sources inépuisables pour la création. On a pu y voir une romance entre Joaquin Phoenix et une intelligence artificielle doublée par Scarlett Johansson (Her), Ryan Gosling enquêtant sur des androïdes (Blade Runner 2049) ou bien un documentaire alarmant sur la surveillance en ligne dénoncée par Edward Snowden (Citizenfour) ; mais également une ribambelle de fictions alarmantes sur notre utilisation de ces nouveaux outils. Cette position parfois cynique s’est accompagnée d’une nouvelle catégorie de satire : le huis-clos symbolique, genre souvent misanthrope qui se contente de malmener ses protagonistes principaux au profit d’un message de faible teneur. À ce titre, on peut repenser à l’irritant Vivarium et son horripilante métaphore sur la vie de famille. Un agacement que l’on retrouvera au visionnage de Bigbug

Blade Ronfleur

Après une exploration de l’Amérique adaptée d’un récit de T.S Elliot, le réalisateur rejoint hélas ces deux tendances. Dans son nouveau projet, il dévoile le destin pas si fabuleux d’une humanité accoutumée aux nouvelles technologies, enfermée dans une domotique infernale. Dès son premier plan, extrait d’une émission de télé présentant des androïdes promenant des êtres humains tenus en laisse, les limites de la réflexion de Jeunet apparaissent, laissant présager le pire pour la suite.

Bigbug

Quelques semaines après Don’t look up, Bigbug figure comme une nouvelle tentative de comédie acidulée souhaitant alerter sur nos dérives. Derrière la menace des androïdes (représentée à l’écran par le sourire grimaçant de François Levantal), ce sont bien les bassesses des humains qui sont jetées en pâture par Jeunet : pour se sortir de leur situation, la couardise et l’opportunisme seront les seules armes envisagées. Ce postulat établi, le réalisateur va claironner outrageusement pendant une heure cinquante à travers une esthétique criarde vieillissante.

On ressent pourtant une volonté de diriger le récit vers un registre plus fantasque. La direction artistique du film est aussi expressive dans son kitsch que l’est chaque membre du casting dans leurs états d’âmes. Si la présence de Claire Chust et Youssef Hadji laissait même espérer une version sci-fi de leur hilarant fait d’armes, Problemos, le souffle comique promis par son casting (comptant également Elsa Zylberstein, Stéphane De Groodt, Isabelle Nanty) retombe vers un vaudeville graveleux filmé sans âme. D’une prévisibilité effarante dans leurs comportements, les protagonistes finissent alors par être aussi robotiques que les androïdes domestiques les côtoyant (incarnés par Claude Perron et André Dussollier).

Ainsi, le film soulève un paradoxe : souhaitant critiquer la robotisation de la société, Bigbug est aussi fonctionnel et prévisible qu’un androïde. Les amateurs de ce type de récits cherchant à mettre leur temps à profit avec un supplément d’humour gagneront certainement à se tourner vers l’animation (l’épisode Fête des Mères de la série-culte Futurama, le long-métrage Les Mitchell Contre Les Machines…). Car, prévisible dans son écriture prévisible comme dans le formalisme daté du cinéaste, Bigbug déclenche la même frustration que l’apparition d’un Error 404 sur notre écran…

Bande-annonce

11 février 2022 (Netflix) – De Jean-Pierre Jeunet, avec Elsa ZylbersteinStéphane De GroodtYoussef Hajdi




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