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BEAUTIFUL BEINGS

Addi, un garçon élevé par une mère clairvoyante, décide de prendre sous son aile un enfant particulièrement violent dans sa bande de jeunes marginaux. Livrés à eux-mêmes, Addi commence à avoir une série de visions oniriques. Est-ce que ces apparitions vont pouvoir guider, lui et ses amis, vers la lumière ?

Critique du film

Pour son deuxième long-métrage, après Heartstone : un été islandais (2016), Gudmundur Arnar Gudmundsson réalise un film sur la jeunesse islandaise qui s’inscrit dans une lignée allant de Larry Clark (Kids, Ken Park) à Lee Hwan (Park Hwa Young). La rudesse de la première scène, montrant Ballie, jeune garçon introverti, se faisant tabasser à de nombreuses reprises, est à la limite de l’insoutenable. Son calvaire s’achève par un coup porté au visage qui le fait atterrir à l’hôpital en soins intensifs. La séquence suivante intègre un nouveau groupe de jeunes adolescents, mené par le solaire Addi et ses amis Konni et Sonni. Tout d’abord cruels et violents avec Ballie, on croit l’intrigue repartie dans un harcèlement quotidien. Le scénario prend alors une autre direction, et s’il ne délaisse pas la violence du quotidien de ces adolescents, il démontre qu’au milieu de ces brimades se trouve également de la souffrance, et surtout beaucoup de tendresse.

Addi se prend d’amitié pour Ballie, s’invitant chez lui fréquemment, l’intégrant à son groupe d’amis au mépris des commentaires haineux des deux autres qui ne voient en lui qu’un « freak » comme le reste de leurs camarades. L’affection de ce « chef de groupe » fait changer la vie du garçon. Laissé pour compte par sa famille, un beau-père incarcéré et brutal et une mère intoxiquée et absente, il trouve pour la première fois sa place au milieu d’autres personnes. S’ils mènent tous les quatre une vie dissolue où règnent cigarettes, excès en tous genres et bagarres à chaque coin de rue, il y a enfin de la vie pour Ballie qui leur ouvre sa porte. Son appartement devient le terrain de jeu privilégié de la bande qui s’y réfugie pour fuir leurs propres foyers. Après la formation de ce groupe de quatre, l’auteur commence à creuser les portraits de chacun d’entre eux, dessinant des lignes de rapprochements troublants.

Beautiful beings
Tous ont des problèmes familiaux graves, que ce soit un père abusif ou déserteur, ou des traumatismes lourds qui sont le terreau du développement de troubles du comportement. Konni en est le meilleur exemple, le moindre prétexte le pousse à se battre avec tous ceux qui croisent son chemin. Pourtant, il montre également un visage d’adolescent fragile et en grande demande d’affection dès qu’il baisse un peu sa garde. Sa relation fusionnelle avec Addi est presque de l’ordre de l’amour, y compris dans des élans passionnels qui sont autant de brasiers ne demandant qu’une étincelle pour s’enflammer. Le tempérament de Konni est destructeur, chaque mauvaise décision provoquant en conséquence de multiples périples qui le pousse dans les bras de malfrats inquiétants, plus âgés profitant de sa crédulité et de son besoin de protection contre ses multiples ennemis. La métaphore de la maltraitance est là aussi très présente et explicite et prend encore une fois son origine dans la famille, notamment avec le beau-père de Ballie, qui, sorti de prison, déclenche une réaction en chaine qui fait exploser la petite bande d’amis.

L’élément le plus intrigant de cette histoire est le basculement inopiné dans le cinéma de genre par le biais de la mère d’Addi, qui se trouve versée dans l’ésotérisme et la divination. Addi a des prémonitions, ses rêves lui montrent le mal et les événements funestes à venir. Ce « pouvoir » fait sortir le film de son aspect très social, le transformant en quelque chose d’hybride, dans la grande tradition des sagas islandaises où le commun côtoie le surnaturel. Cette petite communauté de quelques centaines de milliers d’habitants conserve une forte empreinte de son passé mythologique, comme une co-existence harmonieuse entre le moderne et le merveilleux. Si Beautiful beings est clairement un drame, il faut souligner les efforts de l’auteur pour créer de la lumière dans son film. L’entraide déjà signalée entre chaque membre de la petite confrérie brille d’autant plus dans les aveux de Ballie qui remercie son ami Addi dans un moment regorgeant d’émotions. Au sein de toute cette noirceur se cachait donc le plus beau des sentiments, la note d’espoir nécessaire à cette très belle histoire.


De Gudmundur Gudmundsson, avec Anita Briem, Olafur Olafsson et Blaer Hinriksson.


Festival de La Roche-sur-Yon




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