Amour et acharnement 2

AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT

Jean et Sara vivent ensemble depuis dix ans. Quand ils se sont rencontrés, Sara partageait la vie de François, le meilleur ami de Jean et son grand admirateur à l’époque où Jean jouait au rugby en professionnel. Jean et Sara s’aiment. Un jour, Sara aperçoit François dans la rue. Il ne la remarque pas, mais elle est submergée par la sensation que sa vie pourrait soudainement changer. Pour la première fois depuis des années, François reprend contact avec Jean et lui propose de retravailler ensemble. Se déclenche alors une spirale incontrôlable…

Critique du film

Les noms avaient de quoi intriguer : Claire Denis adaptant Christine Angot, co-scénariste du film, avec le duo Vincent Lindon/Juliette Binoche en tête d’affiche. Autant dire que Avec amour et acharnement avait des arguments pour attirer l’attention et créer de l’attente. Le reste du casting lui-même ne dépareille pas, retrouver Mati Diop comme actrice presque quinze ans après 35 rhums, mais aussi Grégoire Colin, collaborateur régulier de la réalisatrice. Malgré tout, depuis Les salauds, et jusqu’à High life, Claire Denis peine à convaincre un public devenu sceptique, les films étant boudés tant par la critique par les spectateurs.

L’introduction est convaincante, on retrouve le couple composé de Jean et Sara en vacances au bord de la mer, le bonheur est palpable, la joie de vivre et d’être ensemble se lit à chaque plan. Ces dix premières minutes font l’économie de tout dialogue, la caméra suit les personnages dans cette bulle fugace de lumière, tout juste soulignée par quelques notes de piano. Les premiers instants du retour à Paris sont aussi heureux, beaux et silencieux, symbole de ce bref moment où l’on est pas tout à fait rentré, et où les lieux doivent être réinvestis du poids du quotidien. L’amour et l’acharnement du titre interviennent peu à peu, décorant l’histoire de ses détails nombreux, par petites touches disséminées par les protagonistes se dévoilant sous nos yeux.

Jean est un ancien rugbyman de haut niveau, Sara est journaliste à la radio, et tous deux ont en commun François, qui fut au centre de leurs deux vies, professionnelle pour l’un, amoureuse pour l’autre. Le basculement dans le drame et les choix de mise en scène de l’autrice sont dès lors moins convaincants. De nombreux gros plans, filtres, et effets de flous sont utilisés pour renforcer un malaise qui se veut grandissant avec le retour de François dans la vie de Jean et Sara. Malheureusement le résultat au delà de l’angoisse et plus que la création d’une tension dramatique, est un grotesque qui vire au grand guignol dans des scènes de dialogues très peu maitrisées.

Avec amour et acharnement

C’est peut être là le plus grand échec du film : rater ces échanges entre les personnages, que ce soit entre Grégoire Colin, le fauteur de trouble qui rebat les cartes de la vie amoureuse de Sara, ou même avec Vincent Lindon, pourtant si juste ces dernières années à chacun de ses projets. Epoustouflant de justesse dans Un autre monde de Stéphane Brizé, il semble emprunté et perdu dans Avec amour et acharnement. Un des nombreux exemples en est sa discussion avec son fils Marcus, où l’on a bien du mal à comprendre ce que raconte Jean, confus et dépassé, presque incohérent dans ses propos.

Le motif de l’histoire d’amour qui se délite à cause de l’irruption d’une troisième partie, est un classique à la fois de la littérature mais aussi au cinéma. Il est bien difficile de croire au délitement de ce couple tellement la liaison entre Sara et François sonne faux. Leurs échanges, comme dans cette chambre d’hôtel où ils renouent leur amour, sont tellement surlignés et outrés qu’ils en deviennent ridicules. De tels problèmes dans l’écriture du film sont très étonnants quand on a affaire à des autrices aussi chevronnées et talentueuses que Claire Denis et Christine Angot (récente lauréate du prix Médicis pour Voyage dans l’Est).

C’est donc bel et bien un rendez-vous manqué pour ce nouveau film de la réalisatrice de Beau travail (1999). Il ne réussit à convaincre ni par ses choix formels et sa direction artistique, ni par son traitement, et ni même par sa direction d’acteurs – pourtant formidables mais ici très mal utilisés – pour une alchimie qui ne semble prendre que l’espace de quelques minutes, une fugue sans lendemain.

Bande-annonce

31 août 2022 – De Claire Denis
avec Juliette Binoche, Vincent Lindon et Grégoire Colin


Présenté en compétition à la Berlinale 2022




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