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AVANT L’EFFONDREMENT

Dans un Paris caniculaire, Tristan, directeur de campagne d’une candidate aux législatives, reçoit un courrier anonyme contenant un test de grossesse positif. Parce qu’il est peut-être atteint d’une maladie génétique mortelle et incurable, il devient obsédé par l’idée de retrouver la femme qui lui a envoyé ce test. Mais a-t-il affaire à une blague morbide, une vengeance froide, un appel à l’aide ou à une manœuvre politique ? Tristan décide de mener l’enquête, au péril de sa vie professionnelle et affective.

Critique du film

Avant l’effondrement s’ouvre sur un prologue documentaire qui illustre la fonte des glaces. Banquise qui se brise, ours polaire en danger. La voix off nous informe que Tristan a été plus ému par la vision de ce documentaire que par la disparition de sa mère. Le ton est donné.

Convaincus que ce qui réunit les êtres de notre époque est le sentiment de plus en plus partagé que le pire est à venir, les metteurs en scène Alice Zeniter et Benoît Volnais ont écrit Avant l’effondrement dans l’idée que cette projection pessimiste (mais pas forcément illégitime) reconfigure nos manières de penser, de percevoir le monde, de s’aimer, mais aussi d’envisager notre rapport au travail, à nos modes de vie et à l’éventualité de donner naissance à des enfants. Habitués des planches, ils se sont lancés le défi d’employer les moyens du cinéma pour raconter l’effondrement intime de Tristan, s’offrant quelques partis pris formels et narratifs qui créent parfois un certain décalage mais offrent à leur premier long métrage une véritable identité, entre théâtre, littérature et cinéma.

Juste la fin du monde

La chaleur. La première partie du long-métrage porte bien son nom. Dans un Paris suffoquant, Tristan fait un crochet chez Naïma, la candidate aux législatives qu’il soutient et pour laquelle il dirige la campagne électorale. Dans leur appartement écrasé par la canicule, il retrouve ensuite Fanny, sa colocataire complice, parisienne de naissance, fille d’universitaire et passionnée de littérature. Lorsqu’il reçoit un courrier anonyme ne contenant qu’un test de grossesse positif, il lui confie son désarroi. Son cerveau bouillonne. Ensemble, ils font le tour des « suspectes ». Quelle conquête récente a bien pu lui envoyer ce bâtonnet porteur d’une nouvelle si peu anodine ? Est-ce Anna, sa partenaire régulière qui prend pourtant la pilule ? Ou bien cette jeune femme atypique rencontrée dans un bar et avec qui il a passé une soirée arrosée dont il ne garde que peu de souvenirs ? À moins que ce ne soit Pablo, son ex, qui fut aussi l’amie de Fanny avant que leur trio amical ne vole en éclats ?

Dans le deuxième chapitre, Tristan se retrouve à un instant de son existence où sa vie professionnelle pourrait être aussi bouleversée que sa vie personnelle. L’approche du scrutin législatif et l’inquiétude de cette grossesse non désirée, qui lui rappelle qu’un éventuel enfant portant ses gênes pourrait souffrir de la même maladie dégénérative que sa mère, le placent dans une situation d’angoisse presque intenable.

avant l'effondrement

Avant l’effondrement est une oeuvre singulière, bancale mais résolument engageante, habitée par le sentiment d’urgence. Le désastre semble s’annoncer, tant celui de l’inaction politique que celui de l’existence de Tristan qui pourrait bien basculer. Son père malade, une femme enceinte d’un enfant potentiellement maudit, un trouble intérieur qui ne semble pas trouver d’apaisement. Le long métrage traduit cette agitation, part parfois dans tous les sens, assume sa fougue et son tempérament indomptable, chaotique comme l’état du monde. Les chapitres suivants le conduiront sur les traces de sa propre histoire, de ses erreurs comme de ses frustrations. Sa deuxième heure, plus tenue, offre son lot de réponses, de nouveaux questionnements et d’échanges animés (captivante séquence de débats entre amis) qui feront naître, enfin, la possibilité d’un début de deuil et d’apaisement, jusqu’à une ultime séquence de toute beauté.

D’abord théâtral et déroutant, Avant l’effondrement fait de son whodunit maternel un prétexte au cheminement existentiel de son personnage principal, incarné par un Niels Schneider habité. À la croisée des chemins et à l’aube de fins imminentes, ce récit à fleur de peau nous cueille dans son dernier acte, animé d’une énergie de révolution intime et universelle. Et parce que l’humain est politique, son propos en fil rouge évoque à la fois les désillusions et les espoirs. Parce que c’est juste la fin du monde, il ne reste guère d’options : déserter, attendre l’effondrement ou se battre.

Bande-annonce

19 avril 2023D’Alice Zeniter et Benoît Volnais, avec Niels SchneiderAriane Labed




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