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AU-DELÀ DES GRILLES

Pierre, un homme recherché par la police française pour le meurtre de sa maîtresse, débarque clandestinement dans le port de Gênes en Italie. Aidé par Cecchina, une petite fille, il fait bientôt la rencontre de la mère de celle-ci, Marta…

Critique du film

Il n’y a rien d’étonnant à ce que René Clément, le réalisateur de La bataille du rail qui a fait ses armes dans le documentaire, ait fini par rencontrer le néoréalisme italien. Au-delà des grilles est une coproduction franco-italienne qui doit son scénario à Cesare Zavattini (figure majeure du néoréalisme), Suso Cecchi d’Amico (qui a notamment collaboré au Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica) et Alfredo Guarini. On retrouve ainsi dans Au-delà des grilles ce qui fait l’essence du néoréalisme : un tournage dans les rues de Gênes, une intrigue prenant place au cœur du peuple, des personnages en marge dont Marta, une mère séparée de son mari et qui se bat pour conserver la garde de sa fille. Côté français, c’est Jean Aurenche et Pierre Bost qui s’occupent de l’adaptation, amenant plus clairement le film vers la fiction. D’autant plus que le rôle-titre est confié à Jean Gabin, qui retrouve ici un personnage proche de ceux qu’il campait avant-guerre. Il y incarne un français, Pierre, recherché pour le meurtre de sa maîtresse infidèle et prêt à se rendre, écrasé par le poids de la fatalité, avant qu’une passion naissante avec Marta ne lui redonne goût à la vie.

René Clément parvient assez admirablement à composer avec les deux influences (sa mise en scène sera d’ailleurs récompensée à Cannes). Si la trame dramatique est dominée par le parcours du fugitif et par sa romance avec Marta, le film contient plusieurs digressions sociales notables, à commencer par le combat de Marta pour éviter que son mari ne lui reprenne sa fille par la force (un combat qui tranche d’ailleurs avec l’image vieillie de la condition des femmes qui transparaît à de nombreuses reprises dans le film). Mais c’est surtout dans son cadre qu’Au-delà des grilles tend le plus vers le néoréalisme, des scènes dans les rues de Gênes au décors du bâtiment en ruine qui sert de logement de fortune à Marta et à sa fille. Cependant, René Clément n’hésite pas par moments à s’écarter d’un style marqué par le documentaire pour livrer une mise en scène plus poétique, particulièrement lors des virées nocturnes des deux amants où il capte à merveille leur amour naissant.

Au-delà des grilles doit incontestablement beaucoup à ses interprètes (et René Clément montre ainsi ici déjà tout son talent de directeur d’acteurs). Jean Gabin y est fidèle à lui-même, livrant une prestation dans la droite lignée de ce qu’il faisait avant-guerre, mais il est clairement éclipsé par les deux actrices qui lui donnent la réplique. Isa Miranda, qui repartira de Cannes avec un Prix d’interprétation, irradie l’écran en offrant une palette très nuancée de jeu alliant parfaitement le réalisme aux élans romantiques. La toute jeune Vera Talchi, qui interprète la fille de Marta, appartient elle, par son jeu très spontané, totalement à la veine néoréalisme.

Film quelque peu oublié, Au-delà des grilles est une incursion réussie du cinéma français dans le néoréalisme italien et dans lequel René Clément démontre une fois de plus qu’il est un des réalisateurs français majeurs d’après-guerre.

De René Clément
avec Jean Gabin, Isa Miranda et Vera Talchi


En combo DVD et BRD le 20 octobre


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