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ATLANTIC BAR

A l’Atlantic Bar, Nathalie, la patronne, est le centre de l’attention. Ici, on chante, on danse, on se tient les uns aux autres. Après la mise en vente du bar, Nathalie et les habitués se confrontent à la fin de leur monde et d’un lieu à la fois destructeur et vital.

Critique du film

Impossible de ne pas succomber, dès les premières images, à la beauté du documentaire de Fanny Molins, repéré à juste titre par l’ACID l’an dernier au festival de Cannes. Photographe de formation, la réalisatrice a suivi, le temps de quatre longues années, les gérants et les habitué.e.s de l’Atlantic bar, un café d’Arles comme on en fait de moins en moins dans les villes les plus riches de France : désuet, peu reluisant, mais aussi abordable, rempli des histoires et des voix de celles et ceux qui s’y assoient tous les jours. Le format 4:3 qu’a choisi Fanny Molins encadre délicatement les visages des protagonistes, les transformant en héros de leur propre récit, et invite à l’intime ; la mise en scène, soignée et sans jamais tomber dans l’artificialité, compose des tableaux gracieux aux couleurs solaires si justes qu’on est presque étonnés de les voir s’animer et vivre.

Il y a aussi un peu de théâtre dans le documentaire Atlantic Bar, et on observe, comme témoin d’un spectacle bien huilé, le va-et-vient de personnages récurrents au milieu d’un décor unique, l’échange de répliques dont on sent qu’elles ont déjà été prononcées mille fois et les visages marqués des locaux « bigger than life », qui rappellent les acteurs d’un autre temps.

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Pourtant, c’est bel et bien l’ordinaire que s’attache à filmer Fanny Molins durant 77 minutes. S’immisçant avec pudeur et bienveillance dans la vie de Nathalie et son mari, qu’elle décrit comme “à la fois faciles et difficiles d’accès, comme tous les patrons de bar”, la réalisatrice raconte une histoire vieille comme le monde : un couple sans beaucoup de moyens voit leur commerce menacé de fermeture et cherche un moyen de riposter en toute dignité. Qualifié par la réalisatrice de “film sur l’être ensemble et contre la gentrification”, Atlantic Bar est aussi le portrait de toute une classe sociale, celle des comptoirs de bars, de la musique de Johnny Hallyday, des voix éraillées par la cigarette, qui ne mâche pas ses mots, mais qui est aussi marquée par la maladie, la précarité, l’addiction.

Sans verser dans l’idéalisation ou la glorification du petit peuple chère au cinéma français, Fanny Molins filme des histoires, des bouts de vie et des gens, se tait et témoigne de leur humour, de leur fierté, de leurs failles. Elle fait aussi se rencontrer les deux visages de Arles : celui, huppé et bourgeois, de la photographie, et l’autre, plus anciens, de ceux qui ont toujours vécu là et qui ont vu la ville changer sous leurs yeux et leur échapper progressivement. En choisissant d’insuffler à son documentaire la méticulosité d’une série photographique, Fanny Molins parvient à réconcilier le temps d’un film l’identité éclatée de cette province du sud et rappelle à sa façon que Nathalie, Jean-Jacques et leurs comparses ont tout autant leur place dans le petit monde artistique de Arles -et dans la cité, tout court.

Bande-annonce

22 mars 2023Documentaire de Fanny Molins




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