ATHENA bensalah

ATHENA

La mort tragique de leur frère cadet dans des circonstances troubles, va en quelques heures faire basculer la vie d’une fratrie dans le chaos.

Critique du film

En 1995, Thomas Gilou signait Raï, une comédie dramatique avec Samy Naceri dans un des premiers rôles, où deux frères s’affrontaient dans une cité de la banlieue parisienne, jusqu’à la mort de l’un d’entre eux à cause d’une bavure policière. Le frère survivant, le plus « sérieux » des deux, lançait dans un accès de rage un assaut vers le commissariat du quartier en représailles de ce deuil consacrant l’affrontement entre forces de police et jeunesse défavorisée. 27 ans plus tard, Romain Gavras consacre son troisième long-métrage à la cité Athena, et commence son action là où finissait celle de Raï, devant un commissariat où est rassemblé un groupe de jeunes hommes prêts à en découdre avec les forces de l’ordre. Le film commence réellement avec le lancer d’un cocktail molotov sur la devanture du commissariat et le début d’une prise d’assaut de plusieurs minutes complètement frénétiques peuplées de longs plan-séquences et d’images ultra spectaculaires.

Ce qui se joue dans Athena n’est donc ni plus ni moins qu’une guerre entre une jeunesse à bout de se faire harceler et tuer par ceux qu’ils considèrent comme des ennemis. Il n’est pas étonnant de retrouver Ladj Ly en co-scénariste du film, dont la première fiction Les Misérables semble un frère jumeau du film de Gavras. Athena est dès lors très difficile à suivre tellement les couches de narration se superposent, présentant les protagonistes à tour de rôle, passant d’un groupe à un autre, et ne cessant jusqu’au final de complexifier cette sédimentation extrême du récit. Le premier problème intervient alors : quel est le point de vue du film sur ce qu’il montre ? N’y a-t-il pas une représentation hautement problématique de la violence ? Pire que cela c’est encore un visage atroce des quartiers populaires qui est présentée sans qu’on sache réellement où cela veut bien nous emmener.

Athena netflix

Cette confusion est renforcée par les moyens dont dispose le réalisateur pour confectionner son film. La beauté des images, les prouesses de mise en scène pour en faire un thriller urbain qui multiplie les ambitions plastiques, tout ceci finit par créer un énorme malaise. N’y a-t-il pas quelque chose de profondément choquant à vouloir faire de la « belle image » sur un tel sujet ? À vouloir enchainer les effets de caméra et aplanir toutes ses composantes les unes sur les autres, Athena en perd de vue d’être politique. De la même façon qu’un Jacques Audiard, dans son Dheepan de triste mémoire, instrumentalisait la banlieue pour y faire une sorte de western contemporain, Romain Gavras utilise des outils bien dangereux où l’on ne ressent pas l’âme et le constat sociétal brûlant présent dans La Haine, lui aussi vieux de 27 ans.

On peut toujours analyser le film sur ses angles de tragédie grecque moderne où des frères se déchirent, chacun d’un coté de la loi et avec un agenda différent, mais est-ce bien intéressant au regard du massacre opéré sur l’une des thématiques la plus explosive de ces dernières années ? La vulgarité de cette représentation de la violence est difficilement excusable et ce n’est pas les performances des acteurs qui sauveront un projet qui prend la fuite sur son final en amorçant une nouvelle lecture au film qui semble bien opportuniste à vouloir mettre au centre du jeu, bien trop tard, un nouvel élément bien opportun. Lancé en exclusivité sur la plateforme Netflix le 23 septembre prochain, il est bien difficile d’évaluer quel sera l’impact de ce film qui risque de faire grand bruit tellement il jette d’huile sur un feu déjà nourri sans proposer aucune solution ni finesse dans son analyse.

Bande-annonce

23 septembre 2022 sur Netflix – De Romain Gavras, avec Dali Benssalah, Anthony Bajon et Sami Slimane.


Présenté en compétition à la 79ème Mostra de Venise.




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