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ANATOMY OF TIME

Deux fragments de la vie d’une femme. Maem est une jeune femme dans la Thaïlande rurale des années 1960. Son père horloger transmet sa passion à sa fille, tandis que les tensions entre la dictature militaire et les rebelles communistes s’exacerbent. Elle est courtisée par deux jeunes hommes très différents – un faible conducteur de pousse-pousse qui est littéralement mis de côté par un chef d’armée ambitieux et impitoyable. Cinquante ans plus tard, le chef de l’armée est devenu un général en disgrâce. Maem soigne son mari violent pendant ses derniers jours et se remémore son passé rempli de pertes, de souffrances et de joies.

Critique du film

Avec lenteur et délicatesse, Jakrawal Nilthamrong nous invite à pénétrer l’intimité et les souvenirs d’une vieille dame, dont les jours s’écoulent lentement au chevet de son mari malade. Réflexion sur le temps, Anatomy of time s’offre au spectateur.trice sous la forme de fragments désordonnés, rassemblés le long d’une chronologie imparfaite, celle de la mémoire. Le réalisateur émaille son film de nombreuses images temporelles : eau de la rivière qui s’écoule, plantes qui poussent et fanent, animaux donnant la vie, horloges ne cessant d’être remontées lorsqu’elles s’arrêtent de fonctionner.

Autant de métaphores qui nous encouragent à ne pas considérer la trame du film de façon linéaire : Maem, l’héroïne, est tour à tour jeune femme puis âgée, son passé et son présent coexistant librement à l’écran. “On ne regarde pas le temps derrière soi, on regarde à travers, comme de l’eau” écrivait la poétesse et romancière Margaret Atwood dans son roman Cat’s eye. “Parfois quelque chose remonte à la surface, parfois autre chose. Parfois rien. Rien ne disparaît”. Anatomy of time illustre cette pensée à la perfection.

La non-linéarité de l’intrigue la rend parfois difficile à suivre et certains questionnements demeurent sans réponse, des personnages surgissant et disparaissant sans que nous disposions des éléments nécessaires à leur compréhension. Jakrawal Nilthamrong nous cantonne au rôle de voyeur.euse ne possédant pas de toutes les clés de lecture : un enfant survit à sa mère, un autre retrouve son père, un chien meurt, un général est blessé par balle, une guerre civile se trame en arrière plan. Nous n’en saurons pas beaucoup plus.

Anatomy of time
Ce qui semble au fond intéresser le réalisateur, ce sont plus les sensations que procurent ces différents moments de vie. Sensoriel et sensuel, Anatomy of Time est surtout un film qui nous parle de désir, de vieillesse et, inévitablement, de corps : corps jeunes et érotiques, corps décrépits et malades, bouches moites, ongles noircis, mains qui s’étreignent, vessie qui se vide… Rien n’est épargné au cours de ce voyage quasi anatomique, qui s’ouvre sur une excision chirurgicale. Le corps semble être le dénominateur commun de tous les souvenirs de Maem, tandis qu’elle se rappelle ses premiers amours, mais aussi la violence qu’elle a subi dans sa jeunesse.

Ça et là, des morceaux de sagesse s’intercalent dans le récit, donnant au film des allures de conte philosophique ; les personnages visitent une caverne très platonicienne, pleine d’ombres trompeuses, qui détiendrait un secret sur l’existence. Maem réfléchit à la notion de péché, d’enfer, de paradis. Enveloppés de lumière, les personnages finissent par ressembler à des sages et évoluent à travers les âges avec grâce, selon une histoire qui nous échappe, mais non dénuée de poésie et de magnétisme.

Bande-annonce

4 mai 2022 – De Jakrawal Nilthamrong, avec Thaveerathana Leelanuja, Prapamonton Eiamchan et Sorabodee Changsiri.




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